Pour un artiste qui aspire à se représenter lui-même dans son œuvre, deux voies sont offertes : soit il cultive le genre de l’autoportrait, se mettant en scène dans diverses situations qui lui permettent de faire valoir un aspect particulier de sa personne ; soit il choisit de figurer parmi les acteurs des histoires qu’il s’invente, se mêlant alors à la foule de ses personnages. Fabien Verschaere a opté pour la seconde. Non qu’il cherche à brouiller les pistes en se multipliant sans cesse mais parce qu’il aime la compagnie et préfère de loin l’agitation de la bande à la solitude de l’atelier.
Dessin échappatoire
Tout procède chez lui des idées d’énergie, d’affluence et de vitalité. Il faut dire qu’il sait de quoi il cause. Né en 1975, enfant atteint de nanisme, il a passé de longs séjours à l’hôpital à lutter contre l’enfermement et la différence, s’évadant dans la lecture de BD, de contes et de légendes. De là, Verschaere a trouvé dans la pratique du dessin une sortie à la mesure de son imaginaire et de ses fantasmes. Et parce qu’il est bourré de talent, il a réussi à en faire bien plus qu’une simple réplique à sa propre condition.
Quels que soient les traits sous lesquels il se représente – en ange diabolique, en clown grimaçant, en gnome lubrique ou travesti en princesse pour contes de fées –, Verschaere ne se fait jamais de cadeau. Il n’en fait pas non plus à celui qui le regarde parce que sa manière est de l’interpeller pour lui faire croire en une histoire merveilleuse qui s’achève presque toujours dans le drame. C’est qu’à l’instar d’un Jérôme Bosch, il porte sur le monde une vision tout à la fois éblouie et hallucinée,
festive et inquiète.
La grande mascarade humaine
« Nous avons besoin de nous construire en étant durs avec nous-mêmes. Le carnaval, la fête, c’est la métaphore d’une réunion entre un clown et la mort. » Ces paroles confiées à Jérôme Sans dans le catalogue de son exposition au Palais de Tokyo en 2003 disent sa filiation avec James Ensor. À ce point même que Verschaere pourrait très bien s’approprier la devise du peintre belge : « Les suffisances matamoresques appellent la finale crevaison grenouillère. » L’un et l’autre cultivent le même art intriguant et ont la même façon d’avancer masqués, voire travestis, dans le monde troublé de l’humain.
Comme s’il était question pour lui de relever chaque fois un défi, Fabien Verschaere n’a pas son pareil pour réaliser des œuvres sens dessus dessous sur le mode du marabout ou du cadavre exquis. Il y a chez lui comme une sorte de panique existentielle qui le pousse au vertige. Donnez-lui un mur et il vous le recouvre d’une foule de figures fantoches en une sarabande délurée. Donnez-lui tout un plateau d’exposition – comme l’a fait Thierry Raspail au musée de Lyon – et il vous le transforme en un hôtel pour un surprenant voyage initiatique.
Au pays de Verschaere, tout rime avec son contraire, le charmant avec le grinçant, le féerique avec le terrifique, le fabuleux avec le monstrueux.
1975 Naissance à Vincennes. 1976-1990 Atteint de nanisme, le jeune Fabien est contraint à de longs séjours à l’hôpital. Passion précoce pour le dessin et l’aquarelle. 1996 School of fine art, Wimbledon, Angleterre. 2000-2001 Diplôme de l’École des beaux-arts de Paris et de Nantes. 2001 Il reçoit le Dena Foundation Art Award pour son installation permanente à l’hôpital Sant’Andrea de Rome. 2002 Résidence à Kinshasa. 2005 Participe aux biennales d’art contemporain de Lyon, de Prague et de Sélestat. 2007 Vit et travaille à Paris.
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Fabien Verschaere
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Abonnez-vous dès 1 €« Fabien Verschaere, Seven Days Hotel », musée d’Artcontemporain de Lyon, Cité internationale, 81, quai Charles-De-Gaulle, Lyon vie, tél. 04 72 69 17 17, jusqu’au 9 avril.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°589 du 1 mars 2007, avec le titre suivant : Fabien Verschaere