PARIS
Le photographe français Willy Ronis est décédé à l’âge de 99 ans. À la fois engagé et effacé, il a démarré dans les années 1930 comme reporter indépendant. Il a rejoint l’agence Rapho en 1950 aux côtés de Brassaï et Doisneau, tout en participant au Groupe des XV, cénacle avant-gardiste. Ronis a fait don de son œuvre à l’État à effet post-mortem.
Doyen de la photographie française, Willy Ronis s’est éteint le 12 septembre à Paris à l’âge de 99 ans. En juillet, alors que les 40e Rencontres d’Arles, associées au Jeu de Paume, consacraient son œuvre humaniste douce amère, ce photographe engagé, encarté au parti communiste des années 1930 à 1965, offrait une image mémorable : acclamé lors des projections au théâtre antique, l’ancien membre de l’agence de presse Rapho avait endossé le gilet des reporters protestataires du mouvement D.R. pour plaider le respect de leurs droits d’auteur. « Le souci de ne pas se mettre en avant qu’avait ce personnage tout en pudeur et en délicatesse se traduisait dans ses photos. À l’agence Rapho, Ronis appartenait à une communauté ayant une conscience modeste et honnête du travail », salue François Hébel, directeur des Rencontres d’Arles. Dans un communiqué, le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, rend hommage à « l’un des grands maîtres de la photographie qui a offert à nos vies ce miroir lumineux ». En 1983, ce fils d’émigrés juifs avait fait don de son œuvre à l’État à effet post-mortem.
Un œil éduqué au Louvre
Né en 1910 à Paris d’un père ukrainien, photographe de quartier, et d’une mère lituanienne, professeur de piano, Willy Ronis se rêve violoniste. En 1932, le studio paternel lui échoit contre son gré. Lié d’amitié à Robert Capa et Chim, futures gloires de l’agence Magnum, cet « œil » éduqué au Louvre acquiert en 1936 son premier Rolleiflex et devient reporter indépendant. Ses clichés, « lisibles sans chercher à émouvoir », illustrent l’actualité dans la revue Regards ou la publicité. Ronis couvre le Front populaire, puis les grèves chez Citroën-Javel en 1938. De 1941 à 1944, le réfugié en zone libre range ses appareils. À la libération de Paris, il publie dans le magazine Life, le Monde illustré, touche à l’industrie, à la mode, tout en composant des portraits magistraux de Django Reinhardt ou Louis Aragon. Corpus méconnu, ses autoportraits annuels débutent en 1927. Lorsque Life empêche les photographes de légender leurs images, Ronis démissionne. « C’était une question de morale », précisait-il. En 1950, il rejoint l’agence Rapho aux côtés de Doisneau et Brassaï tout en défendant la photo comme moyen artistique au sein du Groupe des XV, un cénacle avant-gardiste. Le Nu provençal (1949) signe l’un de ses chefs-d’œuvre instantanés. « J’ai fait quatre prises. […] Le tout n’a pas duré deux minutes. C’est ma photo fétiche […]. Le miracle existe, je l’ai rencontré. » L’autre coup du destin se nomme Edward Steichen qui l’expose en 1953 au MoMA (Museum of Modern Art) à New York avec Brassaï, Doisneau et Izis. Deux ans après, Vincent aéromodéliste (Gordes, 1952) figure dans la légendaire exposition « The Family of Man », toujours au MoMA. Plus tendre que ses reportages pour Vogue, Belleville-Ménilmontant (1954, Arthaud), préfacé par Pierre-Marc Orlan, devient un livre culte. En 1957, Ronis est décoré à la Biennale de Venise. Puis vient l’oubli. En 1972, retiré dans le Midi, il enseigne la photo à l’école des beaux-arts d’Avignon. En 1980, les Rencontres d’Arles font redécouvrir son œuvre idéaliste. Nostalgie d’une certaine image de fraternité ? En 2005 déjà, l’exposition « Willy Ronis à Paris » avait attiré les foules à la mairie de Paris.
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Dernier cliché pour Willy Ronis
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°309 du 18 septembre 2009, avec le titre suivant : Dernier cliché pour Willy Ronis