Peinture qui résiste, photographie qui fléchit, vidéo qui continue de se glisser au gré des parcours, c’est encore l’installation et la sculpture qui se taillent la part du lion.
Le parti pris de mondes multiples nous mène de noms peu familiers ou franchement inconnus sous la conduite de Hou Hanru aux zones fluides et fluctuantes du jeune Loris Gréaud, brassant doucement grammaire fictionnelle et poétique de l’infra-mince. Se signalent quelques œuvres modèles, à l’image de La Bocca/Bosch de Bertrand Lavier, une superposition de registres sémantiques, empilant une bouche écarlate sur un socle/congélateur blanc, et encore les interventions de Boltanski, Buren, Raynaud, Othoniel pour ne citer que les attendus, affichant encore et sans état d’âme ce parti pris de constellation au service d’un programme composite.
Installations : dans la fiction
Ni prospectives à tout crin, ni spectacle forain, ni liste d’artistes validés par l’histoire, les installations choisies par les commissaires témoignent surtout de la nature protéiforme de la production hexagonale. Ici un décor fictif semblable à la salle d’attente imaginée autour de Philippe Thomas, là des ready-mades par Daniel Soutif. L’installation est aussi une invitation à la fiction ou à une réalité bien étrange avec les cavaliers grandeur nature de Xavier Veilhan, d’improbables sculptures en résine peinte descendues de leurs socles.
Sculpture cerveau de Claude Lévêque ou lion noir facetté de Xavier Veilhan, la sculpture se porte bien. Plastique, technologique, générique, elle s’impose sans tapage, rénovant, commentant et reprenant quelques-unes de ses problématiques. On y décortique son rapport à l’espace privé ou public, au regardeur, au socle, à sa propre pratique, à sa propre histoire. Paul Ardenne lui offre même l’intégralité de son plateau, imaginant un langage hybride amorcé dans les années 1980 tandis que Daniel Soutif thématise son enfilade de fictions autour de « Giulietta », l’Alfa Roméo accidentée de Bertrand Lavier.
Mais c’est finalement au dispositif lui-même, à l’habitacle, au plateau d’exposition qu’il revient de s’imposer largement. C’est bien à quinze hypothèses d’exposition qu’aura affaire le spectateur. Une telle ligne de force était prévisible par la structure éclatée de la manifestation. Mais elle témoigne aussi d’une réflexion engagée et mise en œuvre ces dernières années sur la scène contemporaine française.
Et chacun des commissaires d’imaginer son modèle : Philippe Vergne s’infiltre « entre les lignes », investissant jusqu’aux toilettes du Grand Palais. Bernard Marcadé surjoue le contexte d’exposition en invitant le spectateur à déambuler dans un environnement aux accents forains. Xavier Veilhan, envisage un élégant prototype, sorte de vaisseau à aileron alignant sur sa surface lustrée une série de sculptures. Calder, Vasarely, César, Lavier et Séchas, éclairés par de puissants projecteurs de stades de football y prolongent des monuments anonymes du xviie siècle et convertissent le dispositif en une image de musée, un modèle réflexif sur le registre et la fonction de la statuaire.
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Dedans, dessous, autour : les installations en question
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°580 du 1 mai 2006, avec le titre suivant : Dedans, dessous, autour : les installations en question