Arquée sur une logique administrative étriquée, la communauté d’agglomération du Val d’Orge veut démonter deux œuvres du centre d’art contemporain de Brétigny-sur-Orge.
BRÉTIGNY-SUR-ORGE - Quand la dialectique administrative se heurte à la logique artistique ou au simple bon sens, le résultat n’est guère heureux. Un exemple de ce choc des cultures est donné au centre d’art contemporain (CAC) de Brétigny-sur-Orge (Essonne).
La communauté d’agglomération du Val d’Orge a depuis longtemps dans le collimateur un corridor conçu par l’artiste David Lamelas alors qu’il était invité au centre d’art en 2004. Destiné à conduire la lumière vers l’extérieur, ce couloir faisait partie d’une pièce intitulée Projection, acquise alors par le Fonds régional d’art contemporain (FRAC) de Lorraine. Au terme de l’exposition, l’artiste américain avait proposé que l’extension reste à Brétigny. Involontairement, ce couloir est devenu le point de ralliement de jeunes des lycée et collège voisins, lesquels en profitaient pour y fumer des joints. Arguant de cette nuisance, la municipalité a dépêché en juillet une entreprise de travaux publics pour le détruire. Entre-temps, le CAC avait trouvé une façon astucieuse de remédier à ce problème d’insécurité grâce à une œuvre d’Hans Walter Müller baptisée Paysage habitable. Réalisée avec le concours d’une quinzaine d’élèves du lycée technique Jean-Pierre-Timbaud, cette structure installée en octobre masquait opportunément l’entrée du corridor. L’idée d’une installation évolutive, riche en potentialités, permettait aussi de donner corps au lien symbolique unissant le lycée et le centre d’art. Or ce modèle exemplaire de collaboration entre deux établissements culturels et éducatifs va faire les frais d’une rigidité des édiles.
Les pièces de Lamelas et Müller doivent être démontées, l’une dans la semaine du 17 décembre, la seconde dès le 13 décembre, sous le prétexte d’un projet de réaménagement du parking Jules-Verne. Les contrats préalables à la production des œuvres stipulaient certes qu’il s’agissait d’installations temporaires. Mais n’était-il pas possible de réviser ces accords en cours de route ? « Au début, lorsque j’ai signé le contrat, il n’était pas prévu que la pièce soit démontée, nous a déclaré Hans Walter Müller. J’ai dû signer un avenant cet été en donnant mon accord pour qu’elle soit dés-installée. Comme le maire voulait déjà détruire le tunnel de Lamelas, on s’était dit qu’il ne fallait pas être agressif, et qu’on pourrait argumenter après-coup. » Pour Pierre Bal-Blanc, le directeur du CAC, « l’administration est habituée à des projets où tout est pensé à l’avance ». « Dans la pratique du centre d’art, j’essaie d’organiser des durées différentes, déterminées par la pertinence du projet. Et celui de Hans Walter Müller fait l’unanimité. Nous espérions que la démonstration de la qualité de l’installation suffirait à convaincre de prolonger [sa durée d’exposition] », poursuit-il. Un espoir qu’exprime aussi Monique Chestakova, proviseure du lycée Jean-Pierre-Timbaud. En concertation avec le CAC, celle-ci avait réclamé l’an dernier le réaménagement du parking pour mettre fin aux rodéos de motos et petits trafics en tout genre. « Dans mon esprit, cela ne signifie pas qu’on rase tout, nous a-t-elle confié. Pour une fois que l’on arrive à faire quelque chose qui a du sens, qui est concret et visible ! Autour de la structure, on aurait pu inscrire une suite. Cette œuvre est un trait d’union, et la retirer d’un projet qui se veut un trait d’union manque de sens. » Cette installation n’a pas encore été appropriée par les élèves, et « on ne lui en laisse pas la chance, déplore Monique Chestakova. Si l’on veut que les élèves entretiennent une relation avec l’œuvre, il faut qu’il y ait des actions, un contenu pédagogique, et cela prend du temps. C’est dommage que ce projet tourne court ».
La politique de la tabula rasa
Une réunion avec les pouvoirs publics, initialement prévue le 6 décembre, a été reportée en janvier, à une date où l’opération de démontage des pièces devrait avoir eu lieu. Peut-on pourtant édifier des bases saines et durables en faisant table rase d’un socle patiemment construit depuis cinq ans ? L’ordre administratif peut-il par ailleurs ignorer l’esprit comptable, en refusant de s’appuyer sur des œuvres qui ont coûté, pour l’une 15 000 euros, pour l’autre 38 000 euros en frais de production ? Des questions parmi d’autres, auxquelles le président de la communauté d’agglomération du Val d’Orge, Pierre Champion, et le maire de Brétigny, Bernard Decaux, interrogés, ont refusé de répondre.
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Brétigny-sur-Orge : un corridor encombrant
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°271 du 14 décembre 2007, avec le titre suivant : Brétigny-sur-Orge : un corridor encombrant