Histoire

À bord de l’arche arménienne

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 24 juillet 2007 - 788 mots

À l’occasion de la saison « Arménie mon amie », les musées, bibliothèques et centres de recherche français accueillent les trésors d’un patrimoine plusieurs fois millénaire.

Lancée en septembre 2006 et courant jusqu’en septembre 2007, la saison culturelle consacrée à l’Arménie dévoile au public français un patrimoine d’une grande richesse, garant d’une histoire aussi ancienne que tourmentée. En témoigne l’exposition du Musée archéologique de Saint-Raphaël (Var), qui présente les fruits des fouilles menées dans la région du Chirak et aujourd’hui conservées au dépôt de l’ancien Musée de Gumri (détruit par le séisme de 1988).

Les recherches archéologiques ont daté au Paléolithique ancien et au Néolithique les premières implantations, et ont révélé l’existence d’une société agraire structurée autour de villages permanents aux IVe et IIIe millénaires. Se constituent ensuite des chefferies régionales, avant l’apparition, entre le IIe et le Ier millénaire avant notre ère, d’agglomérations qui perdureront jusqu’à la constitution du royaume d’Ourartou (IXe-VIe s. av. J.-C.). Ce premier « État » centralisé arménien, l’un des plus puissants de l’ancien Proche-Orient, est également à l’honneur au Musée de l’Arles et de la Provence antiques, à Arles. Armes, vaisselles, bijoux, objets décoratifs et statuettes, provenant pour la plupart du Musée national d’histoire d’Erevan (l’actuelle capitale de l’Arménie), attestent un artisanat complexe et raffiné. Le Musée du Louvre, à Paris, se penche quant à lui sur l’art chrétien, depuis la conversion de l’Arménie au début du IVe siècle jusqu’au XIXe siècle, à travers un choix de plus de deux cents œuvres, parmi lesquelles des sculptures monumentales originaires des sites les plus importants du pays. Né au pied du mont Ararat où se serait échouée l’Arche de Noé, l’art chrétien arménien s’est d’abord développé aux contacts de Byzance et de l’Islam, puis de l’Orient des croisades, avant de se renouveler sous l’influence des empires perses et ottomans. Prêtées par le Musée historique d’Erevan et le siège-catholicossat d’Etchmiadzine (capitale religieuse), des pièces d’art liturgique (tentures, calices, évangéliaires) sont également visibles à Lyon, au Musée des tissus et des arts décoratifs ainsi qu’au Musée de Fourvière.

Outre le christianisme, la langue a contribué à forger l’identité arménienne. Inventé par le moine Mesrop Machtots au Ve siècle afin de traduire la Bible, l’alphabet arménien a inspiré nombre de manuscrits, à découvrir dès aujourd’hui à la Bibliothèque nationale de France, qui dévoile une cinquantaine de ses plus beaux livres anciens. La bibliothèque municipale de Strasbourg accueillera pour sa part une trentaine de documents issus de la prestigieuse Bibliothèque nationale d’Erevan, ou encore au Centre de la Vieille Charité à Marseille. La capitale phocéenne s’intéresse aussi à « L’Arménie des diasporas en Europe et en Méditerranée », à travers les figures emblématiques de son histoire : le pèlerin du Moyen Âge, le marchand des XVIe et XVIIe siècles, l’étudiant, l’exilé politique ou l’avocat de la question arménienne au XIXe siècle, les soldats volontaires de la Première Guerre mondiale, les réfugiés, les résistants de la Seconde Guerre mondiale comme Missak Manouchian, les témoins de l’intégration, mais aussi les oubliés… Nombre de musées, centres ou bibliothèques évoquent ainsi l’Histoire. La Maison des arts d’Antony (Hauts-de-Seine) relate ainsi la déportation, en 1603, décidée par le roi perse, de 300 000 Arméniens de la ville de Djoulfa (actuellement située au Nakhitchevan [Azerbaïdjan]) et de ses provinces avoisinantes vers Ispahan, sa nouvelle capitale, tandis que le Musée de la Résistance et de la déportation de Grenoble consacre une exposition aux Mémoires d’Yervant Der Goumcian. Rescapé du génocide arménien, ce dernier s’est réfugié au cours des années 1920 en France, dans la région grenobloise. Témoignages exceptionnels de la tragédie de 1915, ces archives doivent faire l’objet d’une traduction pour une publication prévue dans le courant de l’année.

Regroupant plus de 400 manifestations, la saison revient sur les liens historiques unissant l’Arménie et la France depuis neuf siècles, et met en exergue la mémoire plusieurs fois millénaire du peuple arménien.

Notre sélection

AU PIED DU MONT ARARAT, SPLENDEUR DE L’ARMÉNIE, du 13 avril au 29 juillet, Musée de l’Arles et de la Provence antiques, Arles, www.arles-antique.cg13.fr

 

TRÉSORS DU MUSÉE GUMRI (CHIRAK), jusqu’au 11 mars au Musée archéologique de Saint-Raphaël (tél. 04 94 52 93 53, www.ville-saintraphael.fr), puis du 17 avril au 22 juillet au Musée départemental des antiquités de Rouen (tél. 02 35 95 55 10, www.cg76.fr)

 

ARMENIA SACRA, du 21 février au 21 mai, Musée du Louvre, Paris, tél. 01 40 20 50 50, www.louvre.fr

 

ORS ET TRÉSORS D’ARMÉNIE, du 22 mars au 15 juillet, Lyon, Musée de Fourvière, tél. 04 78 25 13 01, www.lyon-fourviere.com ; Musée des tissus et des arts décoratifs, tél. 04 78 38 42 00, www.musee-des-tissus.com.

 

LIVRES D’ARMÉNIE, jusqu’au 25 mars, Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, Paris, tél. 01 53 79 59 59.

- 30 LIVRES PRÉCIEUX DE LA BIBLIOTHÈQUE D’EREVAN, du 19 avril au 31 mai, Bibliothèque municipale de Strasbourg, tél. 03 88 43 64 64, http://bms.strasbourg.fr - ARMÉNIE, LA MAGIE DE L’ÉCRIT, du 27 avril au 22 juillet, Centre de la Vieille Charité, Marseille, tél. 04 91 14 58 80. - ARMÉNIE DES DIASPORAS EN EUROPE ET MÉDITERRANÉE, du 15 avril au 15 septembre, Fort Saint-Jean (futur Mucem), Marseille, tél. 04 96 13 80 90, www.musee-europemediter ranee.org. - MÉMOIRES D’YERVANT DER GOUMCIAN, du 25 avril au 29 octobre, Musée de la Résistance et de la déportation, Grenoble, tél. 04 76 54 41 09, www.resistance-en-isere.com sL’ensemble de la programmation est consultable sur www.armenie-mon-amie.com

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°253 du 16 février 2007, avec le titre suivant : À bord de l’arche arménienne

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