La foire d’art contemporain de Bruxelles resserre sa sélection et s’ouvre pour la première fois au design. De nombreuses galeries françaises font le voyage au pays des collectionneurs.
Si Bruxelles est parfois considérée comme la « banlieue de Paris », le salon Art Brussels est-il une succursale printanière de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) ? Le parallèle est tentant, car les ressorts semblent identiques : un même resserrage sur l’art contemporain au détriment du moderne, un fort contingent d’enseignes françaises (1) et un large public hexagonal. Le mimétisme va jusqu’à la création cette année d’une section design, initiative lancée voilà deux ans par la FIAC.
Les similitudes s’arrêtent là. La bonhomie de cette foire de proximité emprunte plutôt à un autre événement de mi-saison, « Art Paris ». À l’inverse d’Art Forum à Berlin et de Frieze Art Fair à Londres, Art Brussels offre une approche de l’art actuel moins « branchouille ». L’atmosphère conviviale – d’aucuns diraient provinciale – n’exclut pas des propositions parfois pointues comme l’étoile en cannabis d’Adel Abdessemed, proposée par Kamel Mennour (Paris), ou l’aréopage d’artistes californiens de l’Atelier Cardenas Bellanger (Paris) et de Dominique Fiat (Paris). De son côté, Nadine Gandy (Bratislava) donne le coup d’envoi du projet « Danubian Dreams », qui réunit six architectes et designers européens invités à concevoir une cabane.
De l’architecture au design, il n’y a qu’un pas, que la foire franchit allégrement. « Le problème à Bruxelles, c’est qu’il y avait toujours une section molle avec une vingtaine de galeries moyennes. Nous avons préféré les remplacer par du design, pour lequel il existe un gros public en Belgique », relève Rodolphe Janssen (Bruxelles), qui présentera pour sa part un one-man-show de Jean-Luc Moerman. L’incursion des arts décoratifs fait pourtant souvent grincer les galeries d’art… « La demande vient des clients de l’art contemporain, assure le marchand Philippe Denys (Bruxelles). Certains ont aussi peut-être besoin de l’esthétique qu’offre le design quand l’art de ces dernières décennies a basculé dans l’anti-esthétique. » La notion de design se révèle très élastique, du plus contemporain, défendu par Mouvements modernes et Kreo (Paris), aux « antiquités » du XXe siècle avec Jousse Entreprise (Paris) ou Dewindt (Bruxelles). Sans compter deux ovnis : la galerie Contrasts (Shanghaï, Hongkong) – dont le panel de designers chinois n’avait pas convaincu en décembre 2005 à Miami –, et Toluca (Paris), très bonne enseigne, mais dédiée aux livres de photos !
À la différence des autres foires nationales, Art Brussels ne peut se contenter du seul réservoir d’exposants belges, non plus que du vivier pourtant fertile de collectionneurs locaux. Certes, la qualité de regard de ces derniers et leur densité au mètre carré défie toute concurrence. Mais cette arithmétique n’a que peu d’incidence sur les affaires, souvent lentes, avec une moyenne des transactions variant entre 10 000 et 20 000 euros. Du coup, certains exposants optent pour des panoramas peu hardis. Un parti pris que refuse Xavier Hufkens (Bruxelles). « Si en tant que Belge on décide de participer à cette foire, ça n’a de sens que si on le fait bien ! », soutient-il. Le galeriste présente de fait une sculpture de Jack Pierson qui aurait trouvé sa place à Bâle. Il semble pourtant périlleux de « griller » de telles œuvres, car les collectionneurs belges, très prospectifs, achètent en amont, lorsque les prix sont encore bas. « On ne va pas leur vendre un Luc Tuymans à 100 000 euros ou un Wim Delvoye, dont le marché local est plein », estime la galeriste Nathalie Obadia (Paris). D’où les amorces lancées aux jeunes galeries étrangères avec les sections « Young Galleries » et « First Call ». Heureusement, le commerce repose aussi largement sur la clientèle italienne, allemande et surtout française. « Certains de mes clients ne viennent plus en galerie, mais je suis sûr de les retrouver à Bruxelles. La forte présence des acheteurs français me pousse d’ailleurs à avoir des pièces inédites », observe Bernard Utudjian, directeur de la galerie Polaris (Paris). Un dernier appât a motivé le retour d’Alain Gutharc (Paris) tout en confortant la présence de Jean Brolly (Paris) : l’extension depuis l’an dernier de l’aide de l’Association française d’action artistique aux exposants français présentant 50 % d’artistes hexagonaux. À chacun sa carotte !
(1) 26 galeries françaises pour 32 belges.
21-24 avril, Brussels Expo, halls 11 et 12, place de Belgique, 1, www.artbrussels.be tlj 12h-20h, le 24 jusqu’à 22h. - Directrice du salon : Karen Renders - Nombre d’exposants : 168 - Tarif des stands : 150 euros le mètre carré - Nombre de visiteurs en 2005 : 32 782
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Art Brussels lie l’art et le design
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Abonnez-vous dès 1 €Qui l’eût cru ! Siège voilà quelques mois d’une exposition sur les Bruegel, The ArtHome offre gracieusement une plate-forme de 700 m2 à quatre galeries françaises, gb agency, La Blanchisserie, Grégoire Maisonneuve et Jocelyn Wolff. Cette carte blanche baptisée « Unexpected Art Home » remplace le salon Antiquaires du XXe siècle, enterré avec l’ouverture d’une section design sur Art Brussels. L’idée est d’échapper au côté déballage des foires avec des œuvres ambitieuses dignes d’un « Art Unlimited » [un espace d’Art Basel permettant la présentation d’œuvres grand format] miniature. « Même si les pièces sont à vendre, nous ne sommes pas dans l’esprit d’une foire off, mais dans celui d’une vraie exposition avec un travail critique croisé entre les galeries », défend Cyrille Troubetzkoy, directeur de La Blanchisserie (Boulogne-Billancourt). De leur côté, neuf enseignes belges investissent les galeries Ravenstein avec des projets parfois loufoques. C’est le cas des peintures « canines » d’un Jack Russel Terrier baptisé « Tilamook Cheddar » chez Hoet-Bekaert (Gand). Une curieuse façon d’éprouver les limites de l’art. Ou du ridicule. - Unexpected Arthome, 22 avril-7 mai, The ArtHome, 40, place du Grand-Sablon, tél. 32 2 289 51 07,www.thearthome.be, tlj 11h-18h. - Ravenstein Galleries, 21-30 avril, www.ravenstein-galleries.com tlj 17h-23h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°235 du 14 avril 2006, avec le titre suivant : Art Brussels lie l’art et le design