À la tête de l’un des empires industriels les plus importants du Mexique, Eugenio López a récemment inauguré, au sein de son groupe, un espace d’exposition permanent de sa collection d’art contemporain. Ouvert au public, ce lieu qui accueille les plus grands noms de la création actuelle, est étroitement lié à une galerie commerciale de Los Angeles. Une visite singulière dans la capitale mexicaine.
MEXICO - Unique héritier du groupe privé Jumex qui produit tous les jus de fruits mis en bouteilles au Mexique, Eugenio López, à trente-deux ans, est aussi un jeune collectionneur d’art “ultra contemporain”. Pour dévoiler l’objet de sa passion, il a choisi les locaux de son groupe situés dans un immense complexe sévèrement gardé, dans un quartier éloigné du centre de la capitale mexicaine. L’inauguration de ce lieu d’exposition a attiré de nombreux galeristes parmi lesquels Nicholas Logsdail de la Lisson Gallery (Londres), les directeurs de la Gagosian Gallery, Bella de la David Zwirner Gallery, Lucien Terras, Frederic Petzel, Marian Goodman (tous de New York), ou encore la Parisienne Gabrielle Maubrie. Si la plupart d’entre eux ont déjà vendu des pièces à Eugenio López, certains sont venus dans l’espoir que les artistes qu’ils représentent puissent intéresser l’amateur d’art. La pièce maîtresse de sa collection, l’ampoule électrique alimentée par deux bicyclettes de Maurizio Cattelan, acquise pour 50 000 dollars (350 000 francs), reste certainement l’une des œuvres les plus cyniques de cet ensemble : pédalant sans cesse et sans sourire, deux ouvriers de l’usine Jumex, vêtus de blouses frappées du logo de l’entreprise, s’activaient sur des bicyclettes pendant que les plus grosses fortunes de Mexico les observaient en buvant du champagne. Digne de Buñuel, cette scène délibérée révèle la dimension politique et sociale inhérente à l’œuvre de l’Italien. Présentée à Mexico, l’installation de l’arbre de Noël de McCarthy sera en revanche prochainement offerte au Musée d’art contemporain (Moca) de Los Angeles. Eugenio López est, en effet, le principal mécène du musée pour les achats qualifiés pudiquement de “difficiles”. Parmi ses autres œuvres, figurent la peinture SHIT de Sarah Morris, une vidéo filmée dans une mine de diamants de Doug Aitken, l’espace de méditation d’Olafur Eliasson, une sculpture de Nancy Rubins et les travaux d’une nouvelle génération d’artistes mexicains.
Rejoignant ainsi le noyau international de l’art contemporain, Mexico devient peu à peu un centre névralgique : des espaces alternatifs, des galeries et des associations voient le jour dans les quartiers à la mode de la mégalopole. De plus en plus de bâtiments réhabilités accueillent des expositions d’art contemporain et des artistes de renom, tels Gabriel Orozco et Francis Alÿs, travaillent dans cette capitale. Selon Patricia Martín, directrice et conservatrice de la collection, “le Mexico d’aujourd’hui s’apparente au Londres des années 1980, au New York des années 1960 ou au Paris des années 1940”. À l’instar d’autres grands collectionneurs comme William Copley ou Peggy Guggenheim, Eugenio López a réussi à opérer une synergie idéale : posséder une galerie commerciale, en l’occurrence la galerie Chac Mool à Los Angeles, et une collection privée. Si celle-ci réunit tous les grands noms à la mode, la galerie expose des artistes californiens parfois oubliés. Néanmoins, la collection Jumex se vante d’être le plus grand espace d’exposition privé d’art contemporain ouvert au public en Amérique latine. On est cependant en droit de se demander comment le public pourra trouver le chemin des œuvres au milieu des enceintes fortifiées du complexe du Grupo Jumex.
- COLLECTION JUMEX, KM. 19.5 Ant.Carretera a Pachuca, 55340 Xalostoc, Ecatepec, Mexico City, tél. 525 699 1999. Ouvert au public les jours de semaine sur rendez-vous.
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Armée mexicaine
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°124 du 30 mars 2001, avec le titre suivant : Armée mexicaine