Programme ambitieux, la Cité Manifeste de Mulhouse rassemble cinq équipes d’architecture pour une réflexion sur le logement social. En tout, soixante habitations seront livrées en 2003, avec pour tâche de repenser un domaine ou minima rime souvent avec maxima.
PARIS - Ah ! la cité ouvrière, et son patronat paternaliste d’avant la jeunesse désœuvrée des barres HLM !... Le programme entrepris par la Société mulhousienne des Cités ouvrières (Somco) se nourrit sans doute un peu de ces rêveries, il n’en est pas moins un réel pavé dans la mare du logement social, biotope stérile ou minima est souvent synonyme de maxima. Cinq agences d’architecture, de la gloire nationale (Nouvel) au talent montant (Lewis, Potin Block), en passant par la tête d’affiche étrangère (Shigeru Ban associé à Jean de Gastines pour l’occasion) ont été convoquées pour expérimenter de nouvelles propositions en dehors des impératifs normatifs habituels. La seule restriction est évidemment économique. L’ensemble du projet est chiffré à 6,2 millions d’euros, honoraires compris. Pour ce prix, soixante logements seront livrés en 2003 sur une ancienne friche, à la lisière du même parc immobilier entrepris en 1853 pour répondre à la croissance de la “Manchester française”. Mulhouse voit en effet sa population passer de 3 000 à 30 000 habitants dans la première moitié du siècle, et le patronat protestant trouve dans le logement individuel une voie de domestication de l’ouvrier.
La question ne se pose plus en ces termes, mais, pour prolonger l’histoire, le nouveau programme s’inscrit dans la trame originelle. Manière de se démarquer, Jean Nouvel s’est octroyé le lot en diagonale. Il trouve dans cette “irrégularité” le moyen de dissocier chacune des onze habitations dont il a pris la charge, aucune n’étant sur le même plan. Désormais fameux pour leur pratique “économique” de l’architecture (lire également p. 27), Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal sont, eux, partis à la recherche de l’espace. Se dégageant des contraintes par l’usage d’une base de béton pour édifier le rez-de-chaussée, ils couvrent le premier étage d’une enveloppe “serre”, option déjà éprouvée par les deux Bordelais pour des maisons individuelles.
Là, comme dans la grande majorité des projets, les idées avancées se démarquent par leur modestie, se risquant peu à induire quelque mode de vie. À chacun d’agencer selon ses désirs. La maille de Duncan Lewis (Lewis, Potin Block) est une invitation à l’échange entre rue et intérieur, végétation et construit. Cette stratégie est maximisée par Art’M Architecture (Poitevin et Raynaud). Bénéficiant déjà de larges proportions (110 m2 pour un T5), les pavillons conçus par l’agence marseillaise s’annexent de généreuses surfaces “habitables” non locatives. Déclarer peu pour offrir beaucoup semble être la maxime de leur proposition. Que ce soit un garage de 35 m2, ou des terrasses que des structures amovibles permettent de couvrir pour gagner quelque 80 m2 de plus, tout est là pour anticiper la fièvre du bricolage du futur locataire. Libre à lui de choisir ses rideaux. “Le bâtiment doit pouvoir supporter ce que veulent y faire les habitants”, résume avec pragmatisme Matthieu Poitevin. Peut-être est-ce là le véritable défi de l’habitat social : ne rien imposer à ses hôtes !
- UNE CITÉ MANIFESTE À MULHOUSE, jusqu’au 27 janvier 2002, Institut français d’architecture, 6 bis rue de Tournon, 75006 Paris, tél. 01 46 33 90 36, www.archi.fr/ifa-chaillot
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Ambitions sociales et architecturales
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Abonnez-vous dès 1 €L’Équerre d’argent 2001 a été remise à Jacques Herzog et Pierre de Meuron pour un immeuble de logements situé rue des Suisses, dans le XIVe arrondissement parisien, une commande de la Régie immobilière de la Ville de Paris. Cette distinction, décernée par le groupe Moniteur et qui récompense chaque année un bâtiment construit en France, a été accompagnée d’une Mention spéciale pour le parking et terminus du tramway conçu par Zaha Hadid à Strasbourg. Rémy Marciano a, lui, été récompensé par le Prix de la Première Œuvre pour la reconstruction du Cosec Ruffi – gymnase et terrain de sport à Marseille.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°140 du 11 janvier 2002, avec le titre suivant : Ambitions sociales et architecturales