Collectionneurs - Ventes aux enchères

Entretien avec Thierry de Chirée, collectionneur à Avignon

« Mes années de collection ont été magiques »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 15 mars 2011 - 719 mots

JDA : Comment êtes-vous devenu collectionneur ?
Thierry de Chirée :
J’ai acheté mon premier dessin en 1979 pour approcher la jeune fille qui travaillait dans une galerie et qui est devenue par la suite mon épouse. Je me suis pris soudainement de passion pour les dessins, que j’ai chinés pendant des années, avec un goût particulier pour le travail du merveilleux paysagiste Constantin d’Aix. À l’époque, les dessins se vendaient à peu de frais. J’ai beaucoup acheté chez Marcel Puech, grand antiquaire du Midi avec qui j’entretenais des rapports privilégiés, puisant régulièrement dans son carton à dessin.

Pourquoi avoir vendu vos dessins en 1986 ?
T.C. : J’avais entassé une quantité de dessins dans mon appartement et j’avais besoin d’un peu de fonds pour m’acheter une maison. J’ai donc organisé la vente de mes dessins – hormis les Constantin d’Aix, à Drouot chez Me Renaud en 1986. Au préalable, j’avais directement cédé une trentaine de dessins au Musée des beaux-arts de Marseille. Le Musée du Louvre m’en a aussi acheté quelques-uns.

Et vous avez acheté une maison avec le produit de la vente…
T.C. : Pas dans l’immédiat. J’ai attendu d’avoir un vrai coup de cœur immobilier. Il est arrivé en 1993 avec le monastère de la Visitation à Avignon. Entre-temps, j’avais recommencé à collectionner, non plus seulement des dessins, mais aussi des tableaux, sculptures, meubles et objets d’art.

Quel a été le fil conducteur de vos achats ?
T.C. : Ma collection est très éclectique. J’ai acheté tous azimuts, en fonction de mes découvertes et de mes moyens. Je me suis par exemple tourné vers les peintres français parce que les artistes italiens se vendaient trop cher. En même temps, je me suis constitué une bibliothèque artistique qui compte aujourd’hui plus de 4 000 ouvrages, lesquels ont été une source inouïe de connaissances et une aide précieuse pour mes recherches. J’ai dû vendre de temps en temps quelques pièces importantes – fruits de mes découvertes, afin de financer l’avancement des travaux de restauration du magnifique écrin avignonnais que j’avais acquis.

Quelle est votre plus intéressante trouvaille ?
T.C. : Il y en a eu plusieurs. Je pense notamment à un médaillon en bronze que j’ai chiné pour 100 euros, il y a cinq ans dans un déballage à Carpentras. Ce serait le portrait en relief d’Éléonore d’Aragon par le sculpteur et médailleur italien du XVe siècle Francesco Laurana [lot 80, est. 12 000 euros].

Pourquoi vous séparez-vous aujourd’hui de votre collection ?
T.C. :  Sans doute par lassitude de toujours chercher l’objet d’art que vous n’avez pas et que, forcément, vous n’avez pas les moyens d’acheter, ce qui est à la fois une source d’excitation et de stress. Je suis parfois allé jusqu’à me mettre financièrement en danger pour collectionner. Il y a un an, j’ai eu un déclic et me suis dit qu’il serait plus sage d’arrêter. Je suis serein aujourd’hui. Déjà en 1986, la vente de mes dessins, qui, sur le moment, m’avait affecté, m’a appris à me détacher de l’obsession de posséder des choses matérielles. Mes années de collection ont été magiques. L’art a été un soutien formidable dans les moments plus ou moins difficiles de ma vie et une aventure intellectuelle extraordinaire. J’ai toujours aimé les objets que j’ai acquis sans penser à spéculer sur leur future revente.

Avez-vous conservé des œuvres ?
T.C. : Je me sépare de tous mes objets à l’exception de ma bibliothèque et des sculptures antiques qui décorent le cloître du couvent, parce qu’elles s’accordent très bien avec le bâtiment. Je garde également une tapisserie aux fils d’or et d’argent portant les armoiries des Barberini, parce qu’elle se rattache à l’histoire de mon couvent : au moment de son édification, le légat pontifical à Avignon est alors François Barberini, neveu du pape Urbain VIII Barberini.

Comment comptez-vous meubler votre couvent ?
T.C. :  Je souhaite désormais vivre dans un intérieur moderne, sans accumulation d’objets et de meubles. Je m’intéresse à la peinture et à la photographie contemporaine. J’ai notamment acheté des œuvres de Philippe Cognée, Ronan Barrot et Ibrahim Shahda.

« Collection Thierry et Christine de Chirée », vente les 29 et 30 mars à Drouot, SVV Aguttes, exposition : les 26, 27 et 28 mars 11h-18h, www.aguttes.com. Estimation : 3 à 4 millions d’euros pour 588 lots.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°343 du 18 mars 2011, avec le titre suivant : Entretien avec Thierry de Chirée, collectionneur à Avignon

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