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JUSTICE

À Málaga, un musée fantôme de pierres précieuses

Par Julie Goy, correspondante en Espagne · Le Journal des Arts

Le 10 mai 2024 - 484 mots

La cité andalouse a été condamnée à dédommager son partenaire pour ce projet muséal dont l’échec lui coûte au final 8 millions d’euros.

Málaga (Andalousie). Projet phare du maire Francisco de la Torre (depuis 2000) pour l’ancienne Fabrique royale de tabac de Málaga (Tabacalera, [voir illustration]), le « musée des pierres précieuses », qui devait voir le jour en collaboration avec l’entreprise privée Collections royales/Art Natura (CR/AN), est un échec qui continue à coûter cher à la municipalité andalouse. Les travaux de réhabilitation de l’édifice, que la Mairie n’a jamais menés à leur terme, vont lui coûter 2,1 millions d’euros en dommages et intérêts, en plus des 6,3 millions d’euros déjà versés à l’entreprise privée pour le prêt de sa collection de pierres précieuses entre 2008 et 2011, lesquels ne seront pas remboursés à la municipalité.

Un projet mort-né

Lorsque le maire de Málaga propose une collaboration à CR/AN pour la création d’un musée dans les vertigineux 18 800 mètres carrés de l’édifice de Tabacalera, l’entreprise n’hésite pas longtemps. Le contrat est signé en 2006 et prévoit, en plus de la création du premier musée, l’ouverture de deux entités consacrées, l’une aux sciences de la Terre, l’autre aux sciences de la vie dans le même édifice, le tout piloté par une antenne locale de l’entreprise spécialement créée pour le projet. La Ville s’engage à verser 1,2 million d’euros par an pendant six ans à son partenaire contre l’exposition de sa prestigieuse collection de pierres précieuses.

Les bâtiments sont réhabilités par le service d’urbanisme municipal et leur livraison, initialement prévue en 2008 pour une ouverture au public dans la foulée, prend du retard à la suite de la découverte d’un vice caché dans la structure de l’édifice, vice qui ne sera révélé que plusieurs années plus tard par les services municipaux. Initialement estimé à 20 millions d’euros, le coût des travaux atteint finalement près de 30 millions d’euros. Après des négociations infructueuses menées par la Ville pour réduire la surface totale d’exploitation, Collections royales/Art Natura lance en 2011 une procédure judiciaire à son encontre pour non-respect du contrat. La nullité de l’accord est finalement déclarée en 2020 et la Mairie est dans l’obligation de rembourser les dépenses réalisées en 2011 et 2012 par CR/AN, décision confirmée en appel en février de cette année.

Contrainte par une décision de justice à respecter la date limite d’ouverture prévue dans le contrat, Collections royales/Art Natura inaugure partiellement le musée le 18 janvier 2012. Il reste ouvert quelques heures seulement, le temps que la police ordonne la fermeture de l’établissement qui ne disposait pas des permis requis. Dans les deux uniques salles aménagées, était exposée une infime partie de la litigieuse collection, constituée de nombreuses pierres dépassant les mille carats et de plus de trois cents sculptures en pierres précieuses, or et argent, réalisées par de grands noms du XXe siècle, à l’instar de Dalí, Picasso et Julio González.

 

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°633 du 10 mai 2024, avec le titre suivant : À Málaga, un musée fantôme de pierres précieuses

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