Robert Rubin : « Les attaques d’Alain Seban sont bien ingrates »

Par Christine Coste · lejournaldesarts.fr

Le 19 mars 2012 - 821 mots

PARIS [19.03.12] L’américain Robert Rubin préside depuis 2006 la Fondation Centre Pompidou qui œuvre à enrichir les collections du musée parisien. Il répond en exclusivité à nos questions sur les menaces de poursuites judiciaires d’Alain Seban, président du Centre Pompidou, et sur les donations de la Fondation. PAR CHRISTINE COSTE

JdA.fr : Que répondez-vous au président du Centre Pompidou, Alain Seban, qui vous conseille par presse interposée de démissionner de la Fondation Centre Pompidou ?
Robert Rubin : D’abord je suis surpris par le ton démesuré et menaçant de ses propos. Menacer de poursuivre juridiquement le président de la Fondation Centre Pompidou, par ailleurs mécène du Centre, simplement parce qu’il s’exprime publiquement sur le paysage culturel français, en particulier sur la gestion des musées et la trop forte intervention de l’administration dans la programmation me paraît excessif.

Ses attaques agressives contre la Fondation sont par ailleurs bien ingrates. L’idée émise que la « majeure partie des donations est entièrement suscitée par les conservateurs sans aucune intervention de la Fondation » est ridicule. De 2000 a 2005, la Fondation a reçu des donations d’œuvres et en argent d’une valeur s’élevant à 1 002 000 dollars. De 2006, date de la résurrection de la Fondation, à 2011, ce montant est passé au-dessus des 19 millions malgré les crises économiques. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Il est évident qu’il y a des donations initiées ou finalisées par l’équipe du Centre Pompidou et d’autres par la Fondation. Il est évident aussi que le Centre et la Fondation coopèrent, la mission de la Fondation est de soutenir le Centre dans l’enrichissement de ses collections. La coopération a ainsi permis d’achever les donations de 14 œuvres pour l’exposition « elles@centrepompidou ». Évidemment, il peut y avoir également des donations qui tombent du ciel sans aucun effort de la part de chacun. Quoi qu’il en soit, on ne peut que s’en féliciter.

Quant à la vente en mai 2007 du Wesselman qu’évoque M. Alain Seban, je précise qu’il ne faisait pas encore partie du Conseil de la Fondation quand nous avons en 2006 voté la vente de ce tableau - comme les traditions muséales américaines nous l’autorisent - et que M. Alfred Pacquement, membre à cette époque du Conseil, n’a pas voté contre. Vente qui a permis d’autre part l’achat d’autres œuvres importantes pour le Centre Pompidou et d’accroître ainsi sa collection permanente.

JdA.fr : Quels sont à ce titre les principes qui gouvernent au bon fonctionnement du Conseil de la Fondation mais aussi à ses achats ?
R. R. : Le principe du mécénat américain « give, get, or get lost » (« donne, obtient ou casse-toi ») est à la base de la Fondation. Les membres et les directeurs donnent chacun entre 20 000 et 100 000 dollars par an selon leur niveau : membre simple, comité, comité exécutif, président. Ce sont des minimums. En ce qui me concerne, j’ai donné certaines années beaucoup plus. Depuis 2005, j’ai versé 802 000 dollars et fait don notamment en 2005 de la Maison Tropicale de Jean Prouvé d’une valeur à l’époque de 4 millions de dollars. L’autre Maison Tropicale s’est vendue en 2007 chez Christie’s à 5 millions de dollars .

Pour 2012, la Fondation a voté, et donc promis au Centre, 100 000 dollars pour les frais de la donation Westreich, récemment annoncée. La Fondation Centre Pompidou étant une fondation de droit américain, nous essayons d’encourager les donations d’œuvres américaines, comme ce fut le cas en 2010 pour les douze photographies de Richard Avedon, non sans faire des exceptions importantes comme avec la Maison Tropicale de Jean Prouvé ou l’entrée dans les collections de la partie européenne de la donation Westreich.

Depuis cinq ans, la Fondation a acheté pour le musée entre autres des œuvres de Robert Gober, Sherrie Levine, Zoé Léonard, Jackson Pollock, David Smith, Robert Morris et Robert Watts.

JdA.fr : Quels sont vos projets cette année ?
R. R. : Comme toujours, chercher et accueillir des Américains intéressés par le Centre Pompidou. Je viens de proposer à la Fondation Robert Rauschenberg de revisiter l’exposition de ses photographies qu’elle a organisée en 1981 et d’en faire donation au Centre, voire aussi de monter à nouveau une petite exposition au Centre, par exemple. J’ai aussi passé récemment pas mal de temps à Paris avec Ed Ruscha, dont la BnF possède tous les livres d’artistes, y compris les plus rares. J’ai ainsi organisé à la Maison de verre, mon domicile à Paris, un dîner avec Alfred Pacquement et plusieurs conservateurs. L’artiste en était très content. Ed Ruscha aime Paris. Il a eu une exposition au Centre et en a gardé de bons souvenirs.

Mais ce genre de projets où l’on essaie de créer un contexte scientifique afin d’encourager une donation d’un artiste ou de ses ayants droit ne se font pas en une soirée. Ils demandent de passer beaucoup de temps, de porter la plus grande attention au paysage artistique et de renforcer le rang de nos membres, qui comptent des personnalités du MoMA, du Metropolitan, du Whitney et du Los Angeles County Museum of Art (LACMA).

Légende photo :

Robert M. Rubin, président de la Centre Pompidou Foundation, parmi l'équipe de la fondation - © Photo : courtesy Centre Pompidou Foundation.

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