PARIS [08.10.14] - Le 11 septembre 2014, le TGI de Paris a retenu la responsabilité de la revue d’art, faute pour celle-ci d’avoir sollicité le consentement du photographe. L’usage en matière de presse permet cependant de reproduire sur tous supports publicitaires une photographie illustrant la couverture d’un magazine.
Enfermer le Génie de la Liberté, veillant sur la place de la Bastille, dans un médaillon au centre de la couverture dorée de son numéro de janvier 2013 aura coûté bien des ennuis à notre confrère Connaissance des arts. La photographie, illustrant le numéro de janvier 2013 intitulé « Les plus belles expos 2013 », avait été commandée à Francis Aspeteguy, ancien photojournaliste à l’agence Gamma, pour la somme de 321 euros afin de figurer sur la seule couverture du mensuel. Pour autant, son nom n’apparaissait nulle part, l’image étant uniquement créditée DR (droits réservés).
La surprise de Francis Aspeteguy redoubla lorsqu’il constata que la photographie se retrouvait également reproduite à l’intérieur de la version papier, placardée sur les devantures de kiosques et librairies et affichée sur le site Internet de la publication. Malgré le correctif inséré par le magazine dans son numéro de mars 2013, précisant le nom et la qualité du photographe, ce dernier assigna Connaissance des arts pour violation de ses droits tant moraux que patrimoniaux, réclamant en conséquence 10 000 euros en réparation de son préjudice. « Des sommes astronomiques pour une petite revue d’art » s’était alors ému Guy Boyer, le rédacteur en chef, qui avait pourtant proposé une indemnisation à hauteur de 1000 euros.
Le tribunal de grande instance de Paris est venu, le 11 septembre dernier, donner raison au photographe, tout en retenant un préjudice équivalent à l’indemnisation préalablement proposée. En effet, faute pour le magazine de rapporter la preuve qu’il avait donné au photographe des instructions précises de réalisation du cliché, Francis Apesteguy a été « absolument libre dans l’exécution de la tâche qui lui a été confiée et a photographié le Génie de la Bastille comme il l’entendait en suivant ses propres choix et critères ». La photographie constituait ainsi une œuvre originale, dont le tribunal prend le soin de décrire les choix opérés à la lumière des critères de la jurisprudence européenne. Par ailleurs, le tribunal rappelle opportunément que la banalité d’un sujet n’emporte nulle conséquence quant à l’existence d’une réalisation originale. Ainsi, « si le sujet qu’est le Génie de la Bastille est un sujet de multiples fois célébré, ceci ne permet aucunement de dire que les photographies qui en sont prises sont soit banales soit du domaine public ».
Une fois l’originalité consacrée, l’étude de l’atteinte portée aux droits s’imposait. Or, en recadrant et en changeant la couleur du fond de l’œuvre, sans l’accord du photographe, le magazine avait porté atteinte à son droit moral. En revanche, l’utilisation non initialement prévue sur d’autres supports ne porte nullement atteinte à l’auteur. En effet, « c’est la couverture qui identifie le magazine » et, dès lors, en reproduisant la couverture sur des affichettes apposées sur des devantures ou sur son site Internet, le magazine « ne fait que respecter les usages permettant à la presse papier de faire connaître ses journaux ». Ainsi, « la cession de la photographie pour la parution dans un journal en couverture implique nécessairement la reproduction de la photographie sur les affichettes promotionnelles et sur le site Internet de la société d’édition ». La dérogation aux fins de promotion est d’importance mais nullement nouvelle, ainsi que le rappelait la cour d’appel de Paris le 17 janvier 2007.
Quant à la réparation sollicitée, celle-ci est limitée au seul recadrage et changement de couleur du ciel non autorisés, et est évaluée à 1000 euros. L’atteinte au droit à la paternité est écartée, puisque le magazine avait fait paraître un rectificatif.
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La revue Connaissance des arts condamnée pour avoir recadré et modifié une photographie sans autorisation
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