PARIS [09.12.13] – Après la décision de justice autorisant la vente de 24 masques de la tribu amérindienne Hopi par la SVV Eve, la vacation s’est déroulée dans une ambiance plutôt calme. La maison de ventes a pris ses précautions avec des gardes empêchant toute réaction.
Les requêtes de l’association Survival France et la lettre de l’ambassade des Etats-Unis à Paris en date du 7 décembre, n’ont pas suffi à faire entendre la cause des Hopis, ni même à dissuader les acheteurs : la quasi-totalité des 24 masques Hopis a été vendue, totalisant 520 375 euros frais compris (estimation aux alentours de 250 000 euros). Il semblerait même qu’un enchérisseur ait acquis au téléphone 80 % des lots, dans le but de les restituer à la tribu Hopi. « Je ne peux rien vous dire pour le moment », indique Me Servan-Schreiber, avocat de l’association Survival.
La vente s’est déroulée sans encombre, contrairement à la vente d’avril dernier (70 masques Hopi), lors de laquelle la maison de ventes Néret-Minet Tessier & Sarrou avait dû faire face à plusieurs esclandres. Là, aucun bruit, ni aucune réaction, sauf un particulier lançant à voix basse, « Bravo le néocolonialisme ! Je suis très choqué que seul l’argent soit pris en compte ». En début de vente, Me Alain Leroy, commissaire-priseur, prenait soin d’interdire toute prise de photo, enregistrement vocal ou vidéo. Des vigiles se tenaient dans la salle pour repousser au dehors quiconque s’aventurerait un micro à la main ou tenterait de réagir vivement. Devant l’Hôtel Drouot, des pancartes indiquaient « masques sacrés, vente sacrilège ! ».
Le 28 novembre dernier, l’association Survival France, association de défense des peuples indigènes, et la tribu Hopi (qui compte 18 000 individus basés sur les hauts plateaux de l’Arizona), ont assigné la maison de ventes EVE devant le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris. Cette assignation avait pour but d’obtenir le retrait de 25 masques Hopis au motif qu'ils ont un caractère sacré. « Nous souhaitions que ces masques soient retirés de la vente et mis sous séquestre, le temps que l’on puisse mener une enquête sur leur provenance », expliquait avant la vente Jean-Patrick Razon, directeur de Survival France. Mais la justice en a décidé autrement : le 6 décembre, le TGI de Paris rendait une ordonnance de référé déboutant la demande de retrait de ces masques, maintenant donc la vente aux enchères. Et ceci au motif que « les Hopis n’ont pas la personnalité juridique pour agir. Que de même, aucune disposition législative française n’interdit la vente d’objets provenant de la tribu Hopi. Enfin, la vente d’objets de culte n’est pas interdite en France ». Pour Jean-Patrick Razon, « cette décision est de très mauvaise foi car elle indique aussi que nous n’avons pas démontré que ces masques avaient été acquis illégalement. Forcément, nous n’en avons pas eu le temps ! C’est justement pour ça que nous souhaitions ce retrait », s’insurge-t-il. « On a le sentiment que l’intérêt des collectionneurs passe avant les sentiments des Hopis. Mais nous comprenons aussi que si cette vente avait été suspendue, cela aurait fait un précédent qui aurait bouleversé tout le commerce de ce type d’objets. Or c’est un commerce qui rapporte ! », poursuit-il. Pour Pierre Servan-Schreiber, « cette décision ne répond pas à la question suivante : est-ce que vraiment tout peut s’acheter et se vendre au plus offrant ? ».
C’est la 3ème vente que la SVV Eve organise dans cette spécialité : le 16 décembre 2012 un masque Hopi était acquis 26 023 euros par le Musée du Quai Branly. Mais ce n’est que très récemment que Survival France est au courant de ce genre de ventes. Début avril en fait, lorsqu’elle a tenté, sans succès, de faire suspendre la vente des 70 masques chez Néret-Minet Tessier & Sarrou. A l’époque, le TGI avait jugé en référé que « les masques hopis ne pouvaient être assimilés à des corps humains ou à des éléments du corps de personnes existant ou ayant existé, susceptibles d’être protégés. »
Quoiqu’il en soit, « même si ce type de vente se reproduit dans 6 mois, on recommencera à se mobiliser. On ne va pas baisser les bras. Le problème, c’est que ces masques se vendent bien. Ceci crée une demande, qui va à l’encontre des intérêts des Hopis », note Me Servan-Schreiber.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Masques Hopis, une vente sous haute surveillance
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €ANGWUSHAHAY'I - Très ancien masque de la Troisième Mesa Angwushahay´i (Antes 210) ou Kachina Angwushahai-i (Colton 13) - Circa 1860-1870 Hopi, Arizona, U.S.A. - Vente du 9 décembre 2013 - SVV Auction Eve - Drouot Paris - Estimation : 60 000 / 80 000 € - Adjugé 100 000 € - Source Auction Eve