PARIS [16.04.13] - Après quinze années de sommeil, Le Louxor rouvre ses portes le 18 avril au cœur du quartier de la Goutte d’or et retrouve sa vocation de salle de cinéma. Plus restitué que restauré, ce bâtiment datant des années 1920 a été remis à neuf, non sans controverses.
Bâti entre 1920 et 1921 par l’architecte Henri Zipcy (1873-1950), Le Louxor est le premier né d’une vague de cinémas « à l’égyptienne » qui s’est surtout répandue aux Etats-Unis dans les années 1920 à l’heure où les péplums menaient la danse du muet.
Avec ses disques ailés, ses mâts porte-drapeaux et ses colonnes florales, ce bâtiment, situé au 170 rue Magenta, entre le 10e et le 18e arrondissement, s’inscrit dans le mouvement art déco néo-égyptien qui a traversé l’Occident au cours de la première moitié du XXe siècle mais dont le Paris architectural ne conserve plus guère de souvenir.
Entièrement remis à neuf pour devenir cinéma d’art et d’essai, Le Louxor rouvre au public le 18 avril 2013.
Derrière lui, une histoire mouvementée. De 1921 à 1983, il est un des cinémas les plus populaires de Paris avant de péricliter et de se voir racheter par l’entreprise Tati désireuse d’agrandir ses magasins. Faute de pouvoir démolir l’édifice, dont la façade a été inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1987, le grand magasin le laisse à l’abandon en 1988 après lui avoir fait quelques années jouer les nightclubs.
Vers une réhabilitation
En 2003, le bâtiment est racheté par la Ville de Paris sous l’impulsion d’Action Barbès, association de riverains réclamant la réhabilitation de l’édifice. Très vite, la Municipalité et l’association s’opposent sur des questions déontologiques. Une partie d’Action Barbès, soutenue par des historiens de l’art et des architectes, milite pour une restauration du Louxor à partir de vestiges d’époque. La Ville, elle, souhaite que les décors égyptiens intérieurs conçus par le céramiste André Tiberti soient copiés pour être restitués et intégrés à un cinéma adapté aux normes et aux exigences du XXIe siècle.
En 2009, la ville porte son choix sur le projet conçu par l’architecte Philippe Pumain. Entamé en 2010, le chantier, entièrement financé par la Ville à hauteur de 25 millions d’euros, vient de s’achever. La façade, qui vient à peine d‘être dégagée, a fait l’objet d’une restauration « à environ 70 % », son inscription donnant « obligation de restaurer tout ce qui était possible de l’être ».
« C’est Disneyland ! »
L’intérieur du bâtiment alterne entre restitution et réinvention. Les restes des décors originels, imaginés par Zipcy et Tiberti, retrouvés sous des nouveaux décors « à la grec » ajouté en 1970 ont été supprimés pour créer un nouveau système d‘isolation. Démolition et reconstruction des balcons de la grande salle de projection, agrandissement de l’écran, concourent à respecter les préceptes d’accessibilité et enjeux techniques de l’ère contemporaine.
Les sous-sols haussmaniens, ont quant à eux été démolis pour construire deux salles de projection supplémentaires. Une nécessité pour Emmanuel Papillon, nouvel exploitant des lieux qui explique qu’un cinéma doit aujourd’hui être doté d’au moins trois salles pour être rentable ; « Un crime patrimonial » pour l’historien d’art François Loyer qui critique des « transformations irréversibles pour faire entrer au chausse-pied un programme inadapté. »
Frises égyptiennes, pilastres lotiformes, vitraux nilotiques… Les copies ont de l’allure mais ne sont pas du goût du tous. « C’est Disneyland », commente Didier Vincent, le plus vif détracteur du projet Pumain au sein d’Action Barbès.
Dénonçant le « côté factice » de la rénovation, l’association s’est retirée du projet en 2009 laissant aux amis du Louxor le soin de documenter l’édifice (voir encadré). Ce qui n’empêche pas Action Barbès, qui aurait souhaité que le Louxor devienne une simple salle de spectacle ne nécessitant pas de transformations lourdes, de continuer à assurer la promotion du cinéma « par pragmatisme ». Le quartier de la Goutte d’or, engagé depuis 2000 dans un très lent processus de gentrification, pourrait bien bénéficier d’un « effet Louxor », pour une requalification urbaine du quartier. En face du cinéma, une brasserie plus huppée que les commerces alentours est en train de sortir de terre. Une manière d’attirer un public ne fréquentant pas Barbès d’ordinaire ? « Le Louxor est avant tout le cinéma des habitants du quartier », martèle le service communication de la Ville. Ceux-ci sont d’ailleurs les premiers conviés à découvrir le lieu le 17 avril en avant-première. Classé art et essai, le cinéma entend, selon Emmanuel Papillon, donner une grande place aux films du Sud dans sa programmation, en écho à celle des années 1970 centrée sur des films africains ou indiens prisés par la diaspora nord-africaine très présente à la Goutte d’or.
Après avoir évoqué la ronde des fermetures de cinémas parisiens à partir des années 1950, Emmanuel Papillon, qui espère accueillir entre 150 000 et 180 000 entrées annuelles pour atteindre un point d’équilibre financier, ne peut s’empêcher de jubiler : « Ouvrir un cinéma, c’est exceptionnel de nos jours ! ».
Jean-Marcel Humbert, égyptologue spécialiste de l’égyptomanie a commencé à s’intéresser au Louxor au cours des années 1970 et « ne l’a plus quitté depuis ». Président de l’association des Amis du Louxor depuis sa scission avec Action Barbès, il a servi de conseiller scientifique à la rénovation du bâtiment. Il est également le commissaire de l’exposition « Le Louxor – Palais du cinéma » qui se tient à la mairie du Xe arrondissement jusqu’au 25 mai 2013 et qui retrace l’historique du Louxor de sa conception à sa réhabilitation. Très exhaustive et témoignant d’un travail de recherche titanesque, l’exposition usant de panneaux explicatifs et de photos d’archives n’en maintient pas moins une certaine ambiguïté sur les questions de restauration et de restitution.
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Le cinéma Louxor rouvre ses portes après de nombreuses polémiques sur sa rénovation
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