La crise fragilise le patrimoine de la Grèce

Par Sophie Flouquet · L'ŒIL

Le 21 juin 2010 - 530 mots

Au pays du sculpteur Praxitèle, le ministère de la Culture, proche du modèle français, doit avant tout s’occuper de la préservation du patrimoine archéologique, au détriment de la création actuelle.

Alors que la capitale grecque était en train de changer d’image en termes de tourisme culturel, la crise récente a eu des conséquences immédiates sur le secteur, qui compte pour près de 17 % du PIB du pays. Le musée de l’Acropole, nouveau fleuron du pays, l’a fait savoir dès le début du mois de mai : sa fréquentation a accusé un recul de plus de 5 %. Et les affaires d’évasion fiscale n’ont pas épargné le ministère de la Culture. Mi-mai, la secrétaire d’État à la Culture et au Tourisme, la médiatique Angela Gerekou, annonçait sa démission, suite à une affaire concernant son mari… De quoi ébranler un ministère, dirigé par le ministre Pavlos Yeroulanos, déjà frappé par les restrictions budgétaires.

Il semble donc bien loin le temps où le pays était représenté par la charismatique Melina Mercouri, actrice internationale devenue égérie du premier gouvernement socialiste du Pasok, au début des années 1980 (ministre de 1981 à 1989 puis de 1993 à sa mort en 1994). Une sorte de mélange entre André Malraux, pour le lyrisme de ses discours, et Jack Lang, pour son engagement en faveur de la création contemporaine et de la décentralisation. C’est Melina Mercouri qui a également commencé à militer en faveur du retour des frises du Parthénon, vendues au XIXe siècle par lord Elgin au British Museum, affaire qui continue à envenimer les relations britanno-grecques. 

L’art contemporain, une affaire d’initiatives privées 
Car en Grèce, pays neuf né en 1830 après son émancipation de la tutelle ottomane, le passé archéologique a constitué la clef de voûte de l’identité nationale. Si le ministère de la Culture n’a été créé qu’en 1971, sous le régime de la dictature des colonels, la culture est restée longtemps une affaire très centralisée, privilégiant la conservation des monuments et du patrimoine. Son organisation administrative, décidée en 1977, ressemble très fortement à celle de notre ministère de la Culture français.

Avec le gouvernement socialiste, la Grèce a donc renoué avec la communauté internationale, y compris au plan culturel grâce à la personnalité de Melina Mercouri. Mais cette politique volontariste n’a pas eu les effets escomptés, notamment en matière de soutien à la création contemporaine qui est toujours, plus de quinze ans après, d’abord l’affaire d’initiatives privées malgré l’ouverture d’un Musée national d’art contemporain.

Avec une administration pléthorique, le patrimoine archéologique demeure le principal poste de dépenses du ministère. Autant dire que la crise budgétaire risque d’avoir des conséquences majeures sur le secteur. D’autant que le mécénat à destination des institutions publiques est encore peu répandu.

Prévue en avril, la réouverture du Musée byzantin a été plusieurs fois repoussée. Elle a toutefois été marquée par une initiative originale, due à la fondation BNP Paribas implantée à Athènes via la banque d’affaires : dix fresques post-byzantines du XVe siècle, provenant de l’église de la Vierge Hodigitria d’Apolpena sur l’île de Leucade et déposées dans les années 1960 au musée, ont pu faire l’objet d’une restauration. Une solidarité d’autant plus opportune en cette période d’incertitude.

Légende photo

Musée de l'Acropole, Athènes - Photographe : Nenyaki - Licence Creative Commons 2.0

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°626 du 1 juillet 2010, avec le titre suivant : La crise fragilise le patrimoine de la Grèce

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