Lauréat du premier Prix Marcel Duchamp, Thomas Hirschhorn se définit lui-même comme un artiste engagé. Marquées par l’influence de Fluxus et Dada, ses installations sont de véritables manifestes.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Thomas Hirschhorn sait ce qu’il veut. Grand de taille, droit comme un I, le cheveu court, la chemise grise entrouverte sur le cou, le costume noir discrètement rayé, le regard perçant derrière des lunettes cerclées de noir, il a plus l’air d’un chef d’entreprise que d’un artiste. D’autant qu’il est entouré d’une petite ruche d’assistants qui n’arrêtent pas de bricoler et d’aller et venir dans l’atelier, autant investis que lui dans ses projets. Pourtant vaste, l’atelier de Hirschhorn est littéralement envahi du sol au plafond par tout un fourbi d’objets, de papiers et de matériaux en tous genres. Quand le regard se pose quelque part, il y a de grandes chances pour qu’il prenne d’emblée la mesure de la démarche de l’artiste. Au mur, par exemple, quatre pages manuscrites affichent le programme manifeste de la pièce en cours de réalisation. Impossible de ne pas lire entre les lignes : « Sculpture-toi », « Wissen ist Macht » (Le savoir c’est le pouvoir), « Poubelle Capitaliste », « Chaîne de conséquences ». Une quantité d’images, de collages et de dessins y est accrochée : ici, la photo d’un mannequin de luxe couvert de bijoux sur laquelle l’artiste a disposé une vraie petite chaîne en lieu et place d’une rivière de perles ; là, tel croquis décrivant les éléments de sa prochaine installation ; ailleurs, un assemblage que l’artiste a composé, cinglant les travers de l’économie libérale.
Si le souvenir de Dada et de Fluxus s’impose, si les noms de Beuys et de Filliou viennent très vite à l’esprit, c’est parce qu’à l’instar des uns et des autres, Thomas Hirschhorn s’est défini comme un artiste engagé. Il honnit tout ce qui relève du pouvoir, de l’argent et de l’apparence, démonte les discours de langue de bois, se bat contre les faux-semblants. Engagé, il l’a toujours été. Ainsi, quand il est venu s’installer en France en 1984 et qu’il s’est acoquiné avec le collectif communiste de designers Grapus, c’était pour lui une façon d’« échapper à la Suisse », de s’obliger à se trouver lui-même en dehors de son contexte d’origine. Thomas Hirschhorn ne peut se concevoir en dehors d’une réflexion politique et il a choisi la voie de l’art parce qu’il a jugé que c’était là où il pourrait le plus sûrement se réaliser. Là où il pourrait le plus aisément aller vers l’autre. Il sait gré à des personnalités comme Thierry de Duve, rencontré très tôt sur simple échange de lettres après avoir dévoré son Nominalisme pictural. S’il est du genre à savoir ce qu’il veut, Thomas Hirschhorn n’avait toutefois jamais imaginé que lui reviendrait le premier Prix Marcel Duchamp, tout récemment institué par un groupe de collectionneurs privés réunis au sein de l’Adiaf (Association pour la diffusion internationale des artistes français). Pôle-Self, l’installation qu’il a conçue et réalisée spécialement à cette occasion, n’aurait certainement pas déplu à Duchamp. Non qu’elle fonctionne sur le mode du ready-made mais parce que, chez Hirschhorn plus que chez un autre, « c’est le spectateur qui fait l’œuvre ».
- PARIS, Musée national d’Art moderne, 28 février-30 avril.
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Thomas Hirschhorn
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°524 du 1 mars 2001, avec le titre suivant : Thomas Hirschhorn