Jules Breton sortira-t-il du purgatoire ?

Jules Breton (1827-1906) fut en son temps un peintre célèbre. Originaire du Pas-de-Calais où il passa une grande partie de sa vie, il étudia d’abord à Gand, puis à Paris, dans l’atelier de Drölling, tout en suivant les cours d’Ingres et d’Horace Vernet. Mais très vite, son inspiration se fixe sur les thèmes populistes, d’abord la misère des grandes villes, puis la vie paysanne, telle qu’il l’observe dans son village de Courrières, ou en Bretagne à partir de 1865. Ses grandes compositions, comme La Bénédiction des blés  ou Le Rappel des glaneuses, lui valent les médailles du Salon et les achats de l’Etat. A la même époque, les sujets paysans de Millet ou de Courbet ne rencontrent que l’incompréhension et l’hostilité. C’est que ces derniers entendaient montrer le monde rural dans toute sa rugosité, le poids accablant de la fatigue, la morne fatalité d’un destin qu’on voulait immuable comme l’ordre de la nature, l’ordre social, l’ordonnance religieuse du monde. Jules Breton, de son côté, montrait des paysans parfaitement intégrés à cet ordre, heureux d’en constituer le socle, séduisants par leur pittoresque, expressifs sur le mode sentimental. La postérité fut impitoyable. Les attaques de Baudelaire, la comparaison – fatale – avec l’art de Millet, l’émergence puis le triomphe de la notion de modernité artistique, précipitèrent l’artiste, comme tant d’autres, aux oubliettes. Puis vint, avec le Musée d’Orsay, l’ère des réévaluations, qui profitera peut-être à Jules Breton. Le public jugera.