Les paysages meurtris par la guerre ou les tremblements de terre ne se remettent jamais vraiment, ils restent scarifiés à vie même si la végétation reprend le dessus, « habille » les plaies.
La photographe Sophie Ristelhueber en fait la magistrale démonstration depuis une vingtaine d’années, de la première guerre du Golfe au tremblement de terre en Arménie. Elle a dévoilé les stigmates du conflit Iran-Irak et celui des Balkans, et plus dernièrement, elle aura arpenté les territoires occupés. Bien après la bataille, délivrée des images chocs et de l’urgence du photojournalisme, l’artiste parcourt ces terres ravagées, terrains d’atrocités et d’absurdités, que seules quelques traces peuvent encore indiquer. En Cisjordanie, elle s’attarde sur l’interruption des routes, l’amputation arbitraire de cette région contrainte, sur ces paysages perdus. Ristelhueber en a tiré une série photographique (récemment exposée au Mamco de Genève) et un ouvrage, WB pour West Bank (publié chez Thames & Hudson). Sa photographie va toujours à rebours du récit, elle ne fait pas le reportage d’une guerre, elle ne documente pas mais elle appose un regard critique indiciel avec ses grands tirages, peu nombreux. Car Ristelhueber ne « mitraille » jamais, elle pose chacun de ses regards avec lenteur, arrange la densité politique des lieux à leur douloureuse beauté. Sans illustrer frontalement, sans expliquer, ce travail photographique engage imparablement la responsabilité et la conscience du spectateur tout occupé à sa contemplation.
Sophie Ristelhuerber, GENÈVE, galerie Blancpain-Stepczynski, 3 rue Saint-Léger, tél. 0 41 22 328 38 02, www.galeriebs.ch, jusqu’au 21 mai.
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Paysages perdus de Sophie Ristelhueber
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°569 du 1 mai 2005, avec le titre suivant : Paysages perdus de Sophie Ristelhueber