L’œuvre de l’artiste connaît un tel succès que la vente de plus de trois cents lots provenant de sa fondation a été absorbée par le marché avec une déconcertante facilité.
Le 12 novembre dernier à New York, chez Christie’s, la Fondation Warhol a vendu un ensemble d’œuvres du pape du pop art en vue de dégager des fonds de soutien à la création artistique. Au regard du nombre de lots – plus de trois cents tableaux, dessins, sérigraphies et photographies d’une valeur moyenne de 20 000 euros pièce –, la vente était annoncée comme événementielle, bien qu’aucun chef-d’œuvre n’y figurât. Pourtant, ses résultats ont été éclipsés par ceux des ventes d’art contemporain d’un montant dépassant le demi-milliard de dollars (400 millions d’euros) chez Christie’s, contre 17 millions de dollars pour la seule vente de la Fondation Warhol. Il est vrai que de rares tableaux emblématiques et historiques de Warhol tenaient la vedette de la vente du soir du 14 novembre, à savoir la monumentale Statue of Liberty, une toile de 1962 partie à 43,7 millions de dollars, soit la deuxième meilleure enchère pour l’artiste, et une représentation glamour de l’acteur américain Marlon Brando, Marlon (1966), adjugée 23,7 millions de dollars. Quand la vente de la fondation enregistrait, elle, 1,2 million de dollars au mieux pour un tableau des années 1980 issu d’une série sur les espèces animales en danger. Une autre catégorie de prix…
Très prolifique, Warhol est l’un des artistes les plus adulés du XXe siècle. Depuis sa mort en 1987, son œuvre a fait l’objet de nombreuses expositions, de livres et de documentaires. Sur le marché de l’art, la demande mondiale pour des ses œuvres est en pleine progression depuis dix ans, tout comme les prix, qui ont explosé en ventes publiques. Selon Grégoire Billault, expert chez Sotheby’s, « le succès de Warhol s’explique, car il est celui qui accompagne le mieux l’évolution de la société américaine des années 1960 aux années 1980 ». Après Picasso, Warhol est l’artiste le plus vendu aux enchères en valeur et en volume (source Artprice). Entre mille deux cents et deux mille œuvres du pop artiste (toutes catégories confondues) sont proposées aux enchères annuellement depuis 2009, dans une gamme de prix très étendue.
Disperser un grand nombre d’œuvres dans une seule et même vente, comme l’a fait la Fondation Warhol, n’est donc pas un problème pour une maison de ventes, qui ne prend pas le risque de déstabiliser le marché. On pouvait ainsi y faire l’acquisition d’une lithographie couleur entre 6 000 et 163 000 euros pour un Autoportrait (1977) tiré à un petit nombre d’exemplaires, ainsi que d’un petit portrait peint du golfeur américain Jack Nicklaus (1978) pour 41 000 euros.
Prix record pour image culte
Réalisées de 1962 à 1964, les peintures Car Crash de Warhol, illustrant des scènes tragiques répétitives d’accidents de la route, appartiennent à un groupe d’images extrêmement variées de la célèbre et provocante série Death and Disaster (« Mort et Désastre »). Exprimant la banalité de la violence urbaine américaine au quotidien, ce grand tableau à fond vert, considéré comme un chef-d’œuvre du genre, détient l’actuel prix record (53 millions d’euros) pour l’artiste en vente publique. Quel autre tableau de Warhol pourrait mieux faire ? « Sans doute un grand tableau historique de Marilyn, répond Grégoire Billault, expert chez Sotheby’s. En mai 1998 à New York, une Orange Marilyn de 1 x 1 m a été adjugée 17,3 millions de dollars (15,7 millions d’euros). De ce format, il n’en est pas passé d’autres depuis. » En 2007 à New York, une Lemon Marilyn (à fond jaune citron) de petit format (50 x 40 cm) a été vendue 28 millions de dollars (20,6 millions d’euros).
Green Car Crash (Green Burning Car I), Andy Warhol, 1963, polymère synthétique, encre sérigraphiée et acrylique sur toile de lin, 228,6 x 203,2 cm.
Adjugé 71,7 millions de dollars (53 millions d’euros) le 16 mai 2007, Christie’s, New York.
Les œuvres tardives revalorisées
Le marché marque la différence entre les tableaux de Warhol des années historiques 1960 et les œuvres des années 1980, moins valorisées. La reprise par Warhol de certains sujets, comme celui, emblématique, de Marilyn qu’il a créé en 1962 et se réapproprie à partir de 1979, fut un temps considérée comme un travail répétitif. Ce travail est aujourd’hui apprécié comme un réemploi du portrait de l’icône. « Warhol renouvelle son champ de créativité par un nouveau procédé qui revisite la technique sérigraphique pratiquée par l’artiste : la peinture Reversal ou en négatif, explique Stefano Moreni, expert chez Sotheby’s. Le contraste provoqué par les ombres noires qui ont envahi le visage de la star américaine et les couleurs détonnantes qui surgissent de l’intérieur apporte un nouvel éclairage, plus tragique, au visage tant de fois reproduit. »
Four Multicoloured Marilyns, Andy Warhol, signé et daté 79/86 sur le retour de la toile, acrylique et encre sérigraphique sur toile, 92 x 70,5 cm. Provenance : collection Mis.
Adjugé 3,2 millions d’euros le 24 octobre 2012, Sotheby’s, Paris.
Les polaroïds
La photographie a été pour Warhol un outil indispensable dans la production de portraits de commande. Warhol prenait plusieurs clichés d’un même modèle et sélectionnait son image favorite pour réaliser ses tableaux à l’aide d’une technique sérigraphique. Ces dernières années, avec l’explosion du marché de la photographie et de celui de Warhol, les polaroïds de l’artiste sont devenus des œuvres à part entière très recherchées. Chaque polaroïd représentant un même sujet est une œuvre unique. Le 12 novembre 2012 à New York, un tirage de Mohamed Ali provenant de la vente de la Fondation Warhol s’est envolé à 27 500 dollars (21 600 euros). Le portrait photo polaroïd du boxeur n’avait jamais dépassé 16 000 euros en ventes publiques.
Muhammad Ali, Andy Warhol, 1977, tirage unique polaroïd Polarcolor Type 108. Dimensions : 9,5 x 7,3 cm.
Adjugé 8 750 euros le 10 mai 2011, Sotheby’s, Paris.
Les estampes
Comme pour les tableaux, la cote des estampes dépend du succès du sujet. À l’unité ou en portfolio, sont recherchés les portraits de célébrités (Marilyn, Jacqueline Kennedy, Liz Taylor) et d’hommes politiques, comme Mao ; les produits de consommation de masse, comme la boîte de soupe Campbell ; le symbole du dollar ; la série sur les fleurs ou encore sur la chaise électrique, icône de la mort. Pour une même image, on observe d’importantes variations de prix, en fonction de l’état de conservation de la sérigraphie (les couleurs doivent rester fraîches et brillantes), « mais aussi en fonction des combinaisons de couleurs. Certaines images fonctionnent mieux que d’autres, tel Mao au visage rouge et à la veste verte sur fond rose », indique Cary Leibowitz, directeur du département des Éditions chez Phillips de Pury & Company.
Liz (F&S 7), Andy Warhol, lithographie en couleur signée et datée 1965, publiée à environ 300 exemplaires par la galerie Leo Castelli (New York), 58,7 x 58,7 cm.
Adjugée 104 500 dollars (80 500 euros) le 1er novembre 2012, Phillips de Pury & Company, New York. Prix record pour une lithographie de Liz Taylor par Warhol aux enchères.
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Andy Warhol - Une Machine à (gros) sous
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Abonnez-vous dès 1 €Christie’s, 9, avenue Matignon, Paris-8e,
tél. 01 40 76 85 85, www.christies.com
Sotheby’s, 76, rue du Faubourg-Saint-Honoré, Paris-8e, tél. 01 53 05 53 05, www.sothebys.com
Maison de ventes Cornette de Saint Cyr,
46, avenue Kléber, Paris-16e, tél. 01 47 27 11 24,
www.cornettedesaintcyr.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°653 du 1 janvier 2013, avec le titre suivant : Andy Warhol - Une Machine à (gros) sous