Dans les salles du Palais des beaux-arts de Bruxelles, Jan De Cock (né en 1976 en Belgique) déploie quinze compositions complexes nourries de récurrences. Ce faisant, il sculpte l’espace et le temps en négatif, et fait émerger des formes du vide spatial ou du creux temporel.
Il y a dans votre exposition intitulée « Repromotion » de nombreux éléments récurrents. Le préfixe « re » a-t-il trait à des idées de répétition ou de reproduction ?
Cette exposition est à comparer, par exemple, avec [l’œuvre vidéo] Histoire(s) du cinéma (1988-1998) de Jean-Luc Godard. J’ai essayé de faire la même chose avec une histoire de la forme. Il s’agit ici d’une reproduction de formes construites dans mon atelier. Cette exposition est donc une forme pure. Cela signifie que chaque petit détail raconte quelque chose à propos d’elle, stratégie très différente de nombre d’expositions qui racontent plutôt des histoires ou des idées. L’idée principale de « Repromotion » est de faire évoluer ces formes dans l’espace, comme dans la sculpture du début du XIXe siècle, et comme Brancusi, [Donald] Judd ou [Umberto] Boccioni l’ont fait également. Ces formes sont des répétitions qui évoluent dans l’espace. Ce thème a donc une longue histoire, et constitue le fondement de la sculpture.
Vous évoquez Godard et le cinéma. Avez-vous conçu l’exposition comme un objet unique dont vous proposez des séquences qui s’enchaînent ?
En partie oui, car l’exposition réunit quinze sculptures, quinze monuments. C’est dans leur combinaison et la répétition parfois de certains détails de l’une à l’autre que se situe le cinéma dans son aspect filmique.
La récurrence caractérise-t-elle pour vous l’aspect filmique ?
Absolument. C’est la répétition et le rythme des objets qui font comprendre au spectateur qu’il y a quelque chose hors champ, entre les quinze sculptures. Le spectateur est tout le temps placé entre deux objets, deux sculptures, et se rend compte qu’il faut bouger pour voir ces répétitions. Par exemple, pour Five Plywood Boxes, de Judd, il s’agit de la répétition de cinq formes identiques. Mais ce qui m’intéresse le plus, c’est l’espace qui se trouve entre chacune, car c’est là qu’on découvre ce qu’est un rythme. De plus, ces formes abstraites qui se combinent tentent de démontrer que l’on ne parvient jamais, avec nos propres yeux, à voir des choses isolées. J’ai donc un peu exagéré en mettant ici beaucoup d’objets destinés à renforcer cette idée. Cette abstraction devient ainsi comme un montage, un montage d’espaces. Et en combinant toutes ces images, un mouvement se développe.
Le rythme est aussi induit par la manière dont vous multipliez les points de vue, notamment par le biais de nombreux découpages, qui entretiennent cette répétition…
En effet, c’est un peu comme avec les images de Maurits Cornelis Escher, où l’on a l’impression d’une constante continuité, où toutes les formes rentrent dans une autre forme.
La temporalité est très présente dans le parcours de l’exposition, mais aussi à travers l’inclusion d’éléments nommément temporels, en particulier des cartels qui, tous, indiquent une heure différente, et la répétition de la photo d’une tour avec une horloge dont l’heure change…
C’est en effet un thème fondamental dans cette exposition. Je voulais prouver que regarder une œuvre d’art implique une durée. Une durée signifie que le temps au cours duquel on se déplace d’un objet à un autre est tellement important que c’est en marchant que l’on forme un objet. La durée c’est aussi le mouvement. Et le thème « durée/mouvement » a toujours à voir avec l’image. Si par exemple on a vu dans une composition une petite forme, à l’arrière, difficile à percevoir, on peut la retrouver dans une autre salle, plus à l’avant cette fois-ci. Ces « time codes » permettent de comprendre que la durée entre deux choses est aussi une forme, qu’elle est aussi une image, grâce au principe de la mémoire, et au souvenir de quelque chose que l’on a vu il y a peut-être vingt minutes.
Est-il important que le spectateur recompose mentalement son propre scénario grâce à ce jeu de la mémoire ?
Absolument. C’est la mémoire qui construit des formes. Et comme il s’agit d’une exposition très classique de formes, cet aspect-là est nécessaire pour les voir. C’est quelque chose de très subjectif, mais la mémoire est importante car elle amène la grammaire. Elle est également la seule relation avec l’histoire de l’art.
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Jan De Cock
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°308 du 4 septembre 2009, avec le titre suivant : Jan De Cock