LILLE
Le Musée d’art moderne de Lille Métropole à Villeneuve d’Ascq (Nord) est privé de direction depuis février 2007. À la tête de Lille Métropole-Communauté urbaine, Martine Aubry reprend à zéro la procédure de recrutement. Reste à savoir quel profil de poste, du conservateur ou de l’administrateur, favorisera ce nouvel appel à candidatures.
VILLENEUVE D’ASCQ - Régulièrement très bien loti dans le classement annuel des musées publié par le Journal des Arts, le Musée d’art moderne de Lille Métropole à Villeneuve d’Ascq (Nord), l’un des plus importants musées d’art moderne et contemporain de France, est en difficulté. Fermée en 2006 pour un chantier de restructuration et d’extension, cette institution est privée de direction depuis février 2007 et le départ pour Strasbourg de sa directrice, Joëlle Pijaudier-Cabot. Certes, un triumvirat composé des deux conservateurs adjoints, Nicolas Surlapierre et Savine Faupin, et de l’administrateur général, Olivier Donat, assure l’intérim. Mais ce musée original, dépositaire de la collection Jean Masurel et de l’ensemble d’art brut de L’Aracine, a besoin d’une personnalité faisant œuvre à la fois de synthèse et de force motrice.
Politique de la terre brûlée
La communauté urbaine de Lille Métropole avait pourtant lancé un appel à candidatures l’an dernier et confié le recrutement au cabinet Mercuri-Urval. Celui-ci avait sélectionné trois finalistes à partir d’une vingtaine de dossiers : Anne Dary, directrice du Musée de Dole (Jura) ; Sophie Lévy, directrice du Musée d’art américain de Giverny (Eure), et Sepp Hiekisch-Picard, directeur adjoint du musée d’art moderne et contemporain de Bochum (Allemagne).
C’était sans compter les élections municipales de ce printemps. Remplaçant Pierre Mauroy à la tête de Lille Métropole-Communauté urbaine, Martine Aubry a fait table rase de la procédure en lançant un second appel à candidatures fin juin. Une politique de la terre brûlée d’autant plus cavalière que la nouvelle présidente n’a même pas jugé utile d’auditionner les finalistes. Pas plus que de répondre à nos questions. « Martine Aubry et Pierre Mauroy ne s’entendaient pas et sa ligne de défense était qu’elle ne voulait pas choisir quelqu’un qui aurait été validé par la communauté urbaine précédente, indique un observateur lillois. Qu’ils se battent entre eux, même s’ils sont de la même famille politique, c’est de bonne guerre. Mais il est désolant que des professionnels compétents en fassent les frais. » Pour l’historien de l’art Éric de Chassey, ancien prétendant au poste, « que les nominations soient le fait du prince a sa logique, car c’est avec ce prince-là qu’on travaille. Ce qui est insupportable, c’est qu’on est en train de mélanger en France le pire du système libéral et le pire du système polonais des années 1970. On s’entoure de tout le décorum de la démocratie pour ensuite ne pas se satisfaire de la procédure mise en place. Sauf à vouloir imposer un candidat personnel, il y avait suffisamment de candidatures légitimes pour faire un choix. » Et d’ajouter dans son élan : « Cette histoire est symptomatique d’une forme de négligence pour les équipements culturels. Trouver un directeur ne semble pas être une question urgente alors même qu’il faut préparer la réouverture en amont. » Une réouverture dont la date semble mouvante. Prévue pour l’automne 2009, celle-ci risque d’être repoussée au printemps 2010 pour se caler sur l’inauguration du parc mitoyen.
Petite entreprise
La relance de la machine administrative entraîne mécaniquement un report de la prise de fonctions du nouveau directeur, qui ne sera pas aux manettes avant six mois. Bien que l’appel d’offres insiste sur les qualités de conservateur du postulant, la décision de reprendre la procédure à zéro fait craindre un penchant pour un profil plutôt administratif. « Je redoute que le nouveau directeur ne soit pas forcément un historien de l’art, mais un organisateur, s’inquiète Joëlle Pijaudier. Or il y a dans le musée au moins trente chefs-d’œuvre qui relèvent du patrimoine mondial, et, si la personne choisie n’a pas l’expérience de l’histoire de l’art, ce sera grave. » Plutôt inédit en France dans la sphère muséale, le recours lors du premier round à un cabinet de recrutement et à son arsenal de tests de logique et de personnalité avait surpris, voire irrité certains candidats. « On ne peut pas recruter un directeur de musée de la même manière qu’un cadre », martèle Éric de Chassey. « On s’intéressait à nos qualités de manager, à notre capacité à gérer une équipe et non à nos compétences en histoire de l’art, reconnaît Anne Dary. On sentait que le cabinet n’avait pas l’habitude de recruter dans le monde de l’art ou des musées ; en même temps, les questions posées étaient légitimes. Un musée, c’est une vraie petite entreprise. » À ceci près que les entreprises sont moins lentes à pourvoir un poste stratégique laissé vacant...
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Le musée sans tête
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°285 du 4 juillet 2008, avec le titre suivant : Le musée sans tête