La chapelle Scrovegni en sursis

La restauration imminente des fresques de Giotto est toujours discutée

Le Journal des Arts

Le 29 juin 2001 - 698 mots

Programmée pour commencer en juin, la restauration des fresques de Giotto dans la chapelle Scrovegni, à Padoue, pourrait être ajournée. Réclamé depuis plusieurs années par ArtWatch International, un débat a enfin eu lieu à la veille du début théorique des opérations. Il a permis de mettre en lumière un certain nombre d’insuffisances dans la préparation du chantier.

PADOUE (de notre correspondant) - “Pour la première fois, nous avons eu une sorte de débat avant une restauration”, se félicite James Beck, président de ArtWatch International. Quoiqu’elle vienne bien tard, cette discussion a permis aux opposants au projet de faire valoir leurs arguments. Elle a surtout rencontré l’oreille attentive de l’historien de l’art Vittorio Sgarbi, nommé récemment secrétaire d’État chargé des Arts auprès du ministre des Biens et Activités culturels. Ce dernier a indiqué que la décision serait prise au sein de son ministère puisque le financement des travaux est à sa charge. Il pourrait réclamer des études complémentaires. En effet, à aucun moment il n’a été tenu compte des remarques sur l’humidité régnant dans et autour de la chapelle : “Tout le secteur est gorgé d’eau”, constate James Beck. Dans ce contexte, il est inutile d’intervenir avant que ce problème n’ait été résolu. Une étude n’a été commandée à un géologue qu’il y a six mois, alors que la restauration est décidée depuis plus d’un an.

Par ailleurs, la prétention de mener le chantier à son terme en un an seulement ne laisse d’inquiéter. Selon les défenseurs du projet, il s’agit d’un défi si l’on considère qu’à ce jour, toutes les “grandes restaurations”, hormis celle de la basilique Saint-François à Assise, ont duré des années voire des décennies. Il serait rendu possible par deux circonstances favorables : avoir à disposition la somme requise pour la restauration grâce à un financement de 3,5 milliards de lires (11,8 millions de francs) provenant de la Loterie nationale, et surtout, avoir résolu par avance tous les problèmes liés aussi bien à l’environnement qu’à l’édifice, et naturellement aux fresques. Or, ce n’est pas le cas. De plus, l’efficacité du sas d’entrée, installé pour protéger les fresques de la poussière et de l’humidité (lire le JdA n° 58, 10 avril 1998) reste à démontrer.

En attendant, dans la chapelle Scrovegni, le chantier se met en place. On s’apprête à réaliser une nouvelle documentation sur l’état des fresques, à mettre au point le projet pour le régime climatique durant les travaux et à monter l’échafaudage. Entre temps, le suivi des conditions thermo-hygrométriques et de la qualité de l’air à l’intérieur de la chapelle a été achevé. Outre la documentation informatisée sur l’état des fresques et les travaux de conservation menés dans l’urgence par l’Istituto Centrale del Restauro (ICR) entre 1988 et 1992, des essais d’extraction des sels de l’enduit ont eu lieu sur les fresques de L’Enfer, de La Montée au Calvaire, du Christ entouré des docteurs, du Noli me tangere et du Cortège nuptial. Il s’agissait là du problème le plus répandu et le plus important. En 1994, L’Annonciation à Marie avait été choisie comme échantillon pour évaluer la difficulté, le temps, les coûts et les résultats d’une présentation esthétiquement plus homogène des peintures (notamment couleur neutre des lacunes et des superficies au-dessus de la tête des clous employés fin XIXe siècle pour ancrer les enduits tombant au mur d’enceinte).

Le problème de l’extraction des sels en présence des fixateurs synthétiques employés par Leonetto Tintori dans le revers de la façade n’était pas entièrement résolu par manque de connaissance et d’expérience à ce sujet. L’extraction n’était pas sans risques pour certains pigments plus fragiles. Après avoir identifié plus précisément les trois types de fixateurs utilisés (grâce à l’artiste qui, peu avant sa mort, laissa de nombreux souvenirs, notes et documents) et à l’aide de méthodes et de produits peu expérimentés par le passé, les restaurateurs et les chimistes de l’ICR pensent avoir trouvé la solution.

Une intervention est maintenant possible sur les zones les plus dégradées, outre celles déjà citées, sur une bonne partie de la voûte de la nef, la paroi gauche du presbytère, la paroi au fond de l’abside, pour mettre un terme au phénomène de désagrégation et de pulvérulence de la couleur.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°130 du 29 juin 2001, avec le titre suivant : La chapelle Scrovegni en sursis

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