Née en 1941, Catherine Tasca a été ministre de la Culture et de la Communication de mars 2000 à mai 2002 dans le gouvernement de Lionel Jospin. En août 2003, elle est nommée conseiller d'État en service extraordinaire. Elle a été élue sénatrice des Yvelines le 26 septembre 2004.
Quel est votre meilleur souvenir de ministre de la Culture ?
Le lancement en 2001 d’un vrai plan pluriannuel pour l’éducation artistique à l’école, porté à égalité de responsabilité par le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de la Culture. C’est un enjeu fondamental pour la démocratisation et l’égal accès à la culture. Ce plan a suscité un grand enthousiasme chez les enseignants, notamment pour les classes à projet artistique et culturel (classes à PAC). Il a montré aussi une capacité nouvelle des artistes et des institutions à s’engager dans un véritable partenariat pour une action culturelle de fond à l’école.
Votre plus grand regret ?
Que la gauche au pouvoir n’ait pas engagé un tel plan depuis beaucoup plus longtemps afin de le rendre irréversible. Cela aurait changé radicalement la question des publics face aux offres culturelles, et la question de la légitimité de notre politique culturelle. Cela aurait surtout rendu bien plus difficile la marche arrière opérée depuis 2002 par l’actuel gouvernement qui assèche ce plan d’éducation artistique à l’école.
Autre regret, plus particulier : n’avoir pu mener plus loin le projet de « grand auditorium de musique » à La Villette, pour qu’il ne puisse plus être remis en cause comme, hélas, il l’a été dès 2002.
Quel bilan de votre passage Rue de Valois ?
J’ai le sentiment de deux années bien remplies, notamment sur le plan législatif avec la loi sur le prêt des livres et la loi musée. Mais aussi avec des nominations chargées de sens pour moi : Laurent Bayle à la Cité de la musique, Emmanuel Demarcy-Mota à La Comédie de Reims, Julie Brochen au théâtre de l’Aquarium, à Paris, Michel Orier au Cargo, à Grenoble, Jean-Claude Berutti et François Rancillac à La Comédie de Saint-Étienne, Alain Poirier au Conservatoire de Paris, Gérard Mortier à l’Opéra de Paris. Les bonnes personnes au bon endroit… c’est sans doute le plus difficile à faire.
Je suis également fière d’avoir obtenu pour les chaînes publiques des contrats d’objectifs et de moyens ambitieux, même si celles-ci n’ont pas suffisamment saisi leur chance surtout en terme de qualité des programmes, et si nos ambitions ont été vite reniées par nos successeurs, notamment pour la TNT. Enfin, j’ai pu débloquer le dossier de la Cité des archives, qui a été lancée et qui sera, je l’espère, conduite à son terme. Mais vos propres mots, « passage Rue de Valois », sont éloquents. Deux ans, c’est bien court pour parler de bilan. C’est bien trop court pour marquer solidement ce poste de ministre de la Culture, surtout quand on y arrive dans une deuxième partie de mandat. Plus qu’un autre, ce ministère ne peut être seulement gestionnaire et réglementaire. Il a besoin de temps pour connaître et se faire connaître, gagner la confiance, et exercer à la fois un rôle d’aiguillon et d’arbitre. Il doit tracer des perspectives dans la durée, et ne pas céder aux modes et aux pressions politiques, médiatiques, ou corporatistes. Se contenter de gérer l’urgence ou de créer l’événement n’a pas grand sens en matière de culture. Parfois, je me dis que deux ans Rue de Valois, ce n’est qu’un début !
Aujourd’hui, quelles sont selon vous les priorités dans le domaine de la politique culturelle ?
La priorité des priorités est à mes yeux de rétablir un plan ambitieux pour l’éducation artistique à l’école, aujourd’hui encore plus, en ces temps d’intolérance. C’est le seul domaine qui justifie prioritairement un surcroît d’effort financier national. Et sur ce socle de l’éducation artistique à l’école, je vois un deuxième axe, transversal : repenser les formations aux métiers des arts et de la culture. Troisième priorité : rompre avec une logique purement consumériste et la marchandisation de la culture. Ce qui manque, ce n’est pas l’amplitude de l’offre – toujours absorbée par les mêmes –, c’est l’ouverture au plus grand nombre.
Demain, même à moyens inchangés, la politique culturelle, si elle veut s’inscrire dans le projet politique collectif, devra marcher sur ses deux pieds. D’une part, conforter, mieux gérer, adapter les pôles de création et de diffusion. Cesser de créer du neuf sans ajuster l’ancien. D’autre part, réinventer les modes de médiation, d’accompagnement. Il s’agit de mieux distribuer et de redécouvrir les ambitions de l’« éducation populaire » tout au long de la vie.
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Catherine Tasca Ministre de la Culture de 2000 à 2002
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°200 du 8 octobre 2004, avec le titre suivant : Catherine Tasca Ministre de la Culture de 2000 à 2002