Voulant faire partager sa passion pour les arts portuguais en France, l’antiquaire organise une exposition inédite sur la faïence du XVIIe siècle.
Paris - Philippe Mendes, spécialisé en peinture ancienne, a décidé de faire d’une pierre deux coups. Après avoir fait don au Musée du Louvre d’une œuvre sur cuivre de la peintre portugaise Josefa de Óbidos, La Mort de Sainte Marie Madeleine achetée 250 000 euros à New York, il vient d’inaugurer sa nouvelle exposition, le 24 novembre, le jour même où le tableau a rejoint les salles consacrées à la peinture espagnole. « Cette entrée au Louvre est un événement pour le Portugal. Alors pour fêter cela, nous avons décidé de faire découvrir un autre pan de la création portugaise, tombé dans l’oubli comme Josefa de Óbidos, à savoir la faïence bleue et blanche », annonce fièrement le galeriste. « Certains me reprochent d’avoir donné le tableau au Louvre et de ne pas l’avoir offert au Portugal. Mais c’est en l’exposant au Louvre que l’on va connaître la peinture portugaise, puis la céramique portugaise ! », se défend-il.
La redécouverte de la faïence portugaise hors du Portugal n’en est qu’à ses débuts. D’autant qu’une confusion historique n’a pas aidé à sa diffusion. Traditionnellement, on raconte que ce sont les Hollandais qui ont propagé la porcelaine en Europe, important d’abord de la porcelaine chinoise blanche à décor bleu. Pour éviter la casse, ils vont créer des faïenceries imitant la porcelaine chinoise à Delft au début du XVIIe siècle. Or, de récentes découvertes tendent à montrer que ce serait les Portugais qui, en premier et dès le XVIe siècle, auraient ramené de Chine ces porcelaines, les copiant rapidement en faïence dans des ateliers de Lisbonne. Chassés du pays, les juifs portugais vont s’établir en Hollande, à Amsterdam et amener avec eux toute leur décoration, dont leurs faïences. C’est en cherchant à imiter cette faïence importée que les Hollandais vont fonder la manufacture de Delft. Cette découverte historique a été confirmée lors de récentes fouilles du quartier juif d’Amsterdam, où des restes de céramiques portugaises datant du XVIe ont été retrouvés.
De rares pièces de céramiques
En 1755, un terrible tremblement de terre détruit Lisbonne dans sa quasi-totalité et les faïences avec. « Il ne reste donc plus que quelques milliers de pièces. Même le Musée de Sèvres n’en conserve pas. Seuls ceux d’Amsterdam et de Hambourg en présentent », souligne Philippe Mendes. Aussi, « sont-elles très recherchées au Portugal. Quant au marché international, nous allons mesurer l’intérêt grâce à cet événement ».
L’exposition a réussi le tour de force de rassembler pour la première fois une soixantaine de pièces d’apparat issues de grandes collections, accompagnées d’un catalogue en partie rédigé par José Meco, historien des arts décoratifs. Seul le tiers est à vendre, pour des prix compris entre 5 000 et 160 000 euros. L’ensemble est complété par une quinzaine d’azulejos (carreaux décoratifs en faïence) du XVIIe siècle et de quelques meubles indo-portugais.
Très confidentielles, les céramiques portugaises sont souvent assimilées par le marché à de la céramique hollandaise ou hambourgeoise. Il faut être un fin connaisseur pour l’identifier. Philippe Mendes n’est pas un spécialiste en la matière, mais s’est fait aider par de grands connaisseurs comme la galerie Sao Roque, l’une des plus réputées de Lisbonne. « La faïence portugaise se distingue par son côté très décoratif qui l’emporte sur l’imitation fidèle. La composition est spontanée, naïve, sans souci réel du dessin. Ces imperfections lui donnent un charme fou. C’est la rêverie et l’amusement qui prévalent, alors que les faïences de Delft sont très minutieuses », indique le galeriste.
L’exposition présente des vases d’apparat, plats, aquamaniles, albarelli, coffrets ou encore une bouteille de pèlerin (autour de 140 000 euros). Les décorations, qui évoluent au fil du temps, sont toutes représentées : géométriques, Wanli (très proche de la porcelaine chinoise), de style dit « pré-araignée » – interprétation par les Portugais de la feuille d’armoise chinoise qu’ils croient être une araignée, période miudo (minutieux) ou encore de « style araignée ».
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Philippe Mendes, ambassadeur de la faïence portugaise
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°468 du 25 novembre 2016, avec le titre suivant : Philippe Mendes, ambassadeur de la faïence portugaise