Les artistes français de milieu de carrière sont moins bien accueillis
par les musées français qui leur consacrent peu de monographies.
Il y a 275 artistes âgés de 45 à 55 ans parmi les 1 000 premiers artistes d’Artindex France 2016, soit 27,5 % des artistes. Et l’on pourrait croire, que la maturité aidant, ils sont plus nombreux dans le top 100. Ils se répartissent pourtant régulièrement tout au long du classement des 1 000 premiers.
Cette faible présence des quadragénaires et quinquagénaires se confirme quand on examine le profil des lieux qui les exposent. Presque 40 % d’entre eux n’ont ainsi jamais exposé individuellement dans un musée durant toute leur carrière. S’agit-il d’un déficit d’attention de la part des institutions ou le signe qu’une partie d’entre eux persiste à produire en dépit de signaux peu encourageants ? Sans doute un peu des deux. Et même parmi les plus reconnus de cette génération (les 60 qui figurent dans le top 200) il s’en trouve quand même huit qui n’ont jamais bénéficié d’une exposition individuelle en institution. Mais c’est aussi logiquement en queue de classement que l’on trouve la plus forte proportion d’artistes n’ayant pas bénéficié de monographie dans un musée.
Les femmes paraissent plus enclines à délaisser la carrière d’artiste lorsqu’elles font face à un déficit de reconnaissance, 33 % (contre 40 % pour les hommes) des artistes femmes quadragénaires et quinquagénaires n’ont pas bénéficié d’une exposition individuelle en musée. En outre, pour 25 % de celles qui ont exposé, cette exposition remonte à moins de trois ans, alors que ce pourcentage n’est que de 20 % pour les hommes. Plus encore, le délai maximal écoulé est de seize ans pour les femmes alors qu’il va jusqu’à vingt-quatre ans pour les hommes.
Lieux des dernières expositions
Les derniers (en date) lieux d’expositions des quadragénaires et quinquagénaires apportent un lot d’informations instructives. Ils exposent dans les musées régionaux et internationaux (respectivement 45 % et 42 %) et à Paris (13 %). Bien évidemment, selon les lieux, les répercussions sont très variables, et l’international n’est pas systématiquement gage de rayonnement artistique. À commissaire d’exposition équivalent, le Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne peut s’avérer être un lieu plus valorisant qu’un musée étranger peu prescripteur. En revanche, dix institutions étrangères reconnues pour leur rôle légitimant par le Kunst Kompass ont accueilli les dernières expositions individuelles d’artistes français de la génération 45-55 ans. Les lieux régionaux spécifiquement tournés vers l’art contemporain (CAPC, Abattoirs, Carré d’art, etc.) sont peu accueillants. Seul le Musée régional d’art contemporain Languedoc-Roussillon de Sérignan se détache et détient la palme d’accueil : six artistes citent ce lieu, le Mamac de Nice vient ensuite. Et ce ne sont pas moins d’une quinzaine de musées des beaux-arts de province qui ont accueilli la dernière exposition individuelle d’artistes en milieu de carrière. Il n’est pas sûr que cela soit le signe précurseur d’un passage à la postérité.
À Paris, le Centre Pompidou accueille le plus fréquemment cette génération d’artistes. Un peu moins de la moitié de la vingtaine d’artistes, dont la dernière exposition individuelle en musée, s’est tenue dans la capitale citent Beaubourg. Le lieu semble avoir une certaine appétence pour les artistes féminines, puisque la majorité des expositions les concerne. Mais les retombées potentielles ne doivent pas être surestimées. Les espaces consacrés demeurent modestes et ne sortent pas du trio galerie des enfants, galerie des arts graphiques, galerie sud. Aucune rétrospective de grande envergure ne figure dans l’ensemble. Le duo d’artistes M/M a uniquement exposé sur un support installé dans le hall leur série d’affiches « Art Posters ». Seul Philippe Mayaux a bénéficié de 300 m2 dans l’espace 315 du musée, mais c’est dans le cadre du prix Marcel Duchamp organisé par l’ADIAF.
Certes, ces observations sont relatives à la dernière exposition, et non pas à l’ensemble des expositions individuelles que les artistes de cette génération ont pu réaliser au cours de leur carrière. Mais la forte présence de musées des beaux-arts dans leurs lieux d’exposition et la faible part d’institutions tournées vers l’art contemporain semblent assez éloquentes. S’il est évident que tous ces artistes n’ont pas vocation à entrer au musée, il serait tout autant dommageable de se priver de regarder de leur côté au risque de passer à côté de grands talents.
Cet article a été rédigé à partir de données sur les expositions compilées par Adélaïde Liévain et Natacha Vincent, étudiantes en master conservation gestion et diffusion des œuvres d’art du XXe et XXIIe, Université Paul Valery Montpellier.
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Ces enfants des sixties, mal-aimés des musées
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°454 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Ces enfants des sixties, mal-aimés des musées