Pour certains analystes, la baisse de 40 % des ventes d’art impressionniste et moderne à Londres ne serait que conjoncturelle et circonstancielle.
LONDRES - Les ventes d’art impressionniste et moderne et d’art surréaliste – les premières de l’année 2016 – organisées dans la capitale britannique donnent souvent la tendance pour le reste de l’année. En l’espèce, il se pourrait que l’escalade des prix fasse une pause.
Les deux maisons de ventes se sont suivies de près : Christie’s a adjugé le 2 février pour 96 millions de livres sterling (contre 147 millions de livres en 2015), un résultat proche de l’estimation basse, 87 millions de livres (si on soustrait les frais), tandis que Sotheby’s a récolté le lendemain 93,7 millions de livres (contre 186,4 millions en 2015), un chiffre en dessous de son estimation basse établie à 97 millions de livres. À eux deux, les auctioneers ont cumulé 189,7 millions de livres contre 333,4 millions en février 2015, soit une baisse de 40 %. Il est vrai que l’année 2015 avait été exceptionnellement prospère. En ce début 2106, les vendeurs se sont montrés plutôt frileux. Par ailleurs, les œuvres présentées sur le marché n’avaient rien de comparable à celles proposées l’an passé, dont certaines étaient issues de collections importantes. Aussi, face à une offre plus maigre, les maisons de ventes ont dû réajuster le tir. « Au plus fort du boom, les prix records et les taux d’invendus très bas incitent les vendeurs à donner à vendre ce qu’ils ont de meilleur, a commenté Christian Ogier, marchand à Paris. Comme il y a plus d’incertitude depuis novembre, les vendeurs ne veulent pas prendre de risques sur des œuvres majeures et fraîches sur le marché. Devant la difficulté à sortir ce genre d’œuvres, les maisons de ventes se rabattent sur celles qui sont moins désirables. Par la force des choses, elles prennent plus de risques, ce qui explique les résultats plus inégaux. » C’est ce qui s’est produit pour Le Miroir volé (1941) de Max Ernst vendu à hauteur de la garantie de 7,6 millions de livres (10 millions d’euros, est. 7 à 10 millions de livres), alors qu’il était déjà passé en vente en 2011 dans la même maison mais à New York, où il avait été cédé à l’époque 11 millions de livres (12,8 millions d’euros). De même, Tête de femme (1935), un portrait de Marie-Thérèse Walter par Picasso, proposé par Sotheby’s, a été adjugé 18,8 millions de livres (moins de 22 millions d’euros), pour une somme non seulement dans la fourchette basse de son estimation (16 à 20 millions de livres), mais aussi bien moindre qu’en 2013 lorsqu’il avait été emporté pour près de 25 millions de livres (29 millions d’euros).
Des acheteurs frileux
Pour autant, selon Christian Ogier, « compte tenu des œuvres présentées, les ventes ne se sont pas mal passées. La meilleure preuve en est les prix très élevés atteints par des œuvres de qualité et fraîches sur le marché ». C’est le cas de l’œuvre de Marc Chagall, Les Mariés de la tour Eiffel (1928), adjugée 7 millions de livres (9,2 millions d’euros, est. 4,8 à 6,8 millions de livres) chez Christie’s, un tableau « commercial » qui avait tout ce que l’on peut désirer d’un Chagall ; ou encore du bronze de Rodin, Iris, messagère des dieux (1902-1905), qui a trouvé preneur à 11,5 millions de livres (15,1 millions d’euros, est. 6 à 8 millions de livres) chez Sotheby’s.
La frilosité des vendeurs plus que des acheteurs serait donc en cause, et certainement pas la prudence des maisons de ventes, lesquelles n’ont pas hésité à donner des valeurs parfois très hautes, comme pour La Leçon de piano (1923) de Matisse, estimée 12 à 18 millions de livres par Sotheby’s et partie en dessous de l’estimation basse, à 10,7 millions (14 millions d’euros). Autre conséquence du manque de confiance ambiant, le taux d’invendus est important. Il a atteint 28,3 % chez Sotheby’s et 25 % chez Christie’s, alors que l’an passé il ne dépassait pas 15 %. « Il ne faut pas oublier qu’en dehors des périodes de boom, le taux habituel d’invendus se situe autour de 25-30 %. Il y a donc un retour à une certaine normalité », a tempéré Christian Ogier.
Il se murmure par ailleurs que, compte tenu du retrait d’une partie des acheteurs russes et du climat économique peu favorable en Asie et dans le Golfe, les maisons de ventes ont ciblé en priorité une clientèle européenne, laquelle recherche moins l’aspect ostentatoire des œuvres et est plus raisonnable dans ses prix.
Toutes les estimations sont indiquées hors frais et adjudications frais compris.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Un violent trou d’air
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Christie’s, le 2 fÉvrier
Résultat : 95,9 M£ (126,4 M€)
Estimation : 87 à 129 M£
Taux de vente : 75 %
Sotheby’s, le 3 fÉvrier
Résultat : 93,7 M£ (124,4 M€)
Estimation : 97,6 à 138,3 M£
Taux de vente : 71,7 %
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°451 du 19 février 2016, avec le titre suivant : Un violent trou d’air