Le Théâtre de Chaillot va rajeunir

PARIS - Inauguré en 1937, le théâtre emblématique de Jean Vilar, au Palais de Chaillot, bénéficie d'une cure de jouvence historique. Depuis la création de la salle Gémier en 1967, rien ou presque n’avait bougé dans la structure du bâtiment. « Faire du théâtre à Chaillot prouve qu’on peut en faire n’importe où », aurait dit Jean Vilar, tant le rapport scène-salle et l’architecture méandreuse du bâtiment se prêtent peu à l’activité d’un établissement de spectacle vivant.

Depuis juin 2014, le Théâtre national de Chaillot (TNC) a entrepris des travaux de rénovation sous la houlette de l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic). Dans son cahier des charges figurent la modernisation de la salle Gémier, la restructuration des liaisons et ruptures de charges dans le bâtiment, et la restauration des terrasses extérieures.

Un chantier complexe tant au niveau administratif que technique. Si le Palais de Chaillot est la propriété du ministère de la Culture, les établissements abrités dans ses murs relèvent de différentes tutelles : le ministère de la Défense pour le Musée de la marine, celui de la Recherche pour le Musée de l’Homme… Sans compter les jardins du Trocadéro, propriété de la Ville de Paris : le Palais de Chaillot est un assemblage complexe de responsabilités administratives distinctes.

Depuis 2007, l’Oppic est intervenu sur tous les chantiers de restauration de la colline de Chaillot sur un plan juridique : « Une synergie technique nécessaire pour le schéma directeur du Palais », souligne Jean-Pierre Dufay, son directeur. D’un point de vue technique, le bâtiment étant classé dans son intégralité depuis 1980, il a fallu trouver le moyen d’agrandir le théâtre sans affecter le bâti existant, tout en gardant la salle principale du théâtre ouverte : « Nous avons trouvé le “volume capable” en travaillant sous le volume », explique Vincent Brossy, dont l’agence d’architectes a été retenue en mars 2012 pour le chantier de restauration. La solution réside dans le creusement sous le ciel de calcaire de la colline pour harmoniser les accès et les différents ascenseurs, et dans l’agrandissement de la salle Gémier, plus profonde de 6 mètres. Pour conduire le chantier, la terrasse située au-dessus de la salle Gémier a été démontée.

Campagne de mécénat
Les travaux ont pris presque un an de retard après la découverte d’amiante dans l’étanchéité de l’esplanade Joseph-Wresinski : 400 tonnes de déchets pollués ont dû être évacuées. « Un amiante qui date de l’époque de la construction du Palais en 1937, une “modernité” technique venue des États-Unis, et qu’on ne retrouve pas dans l’esplanade des Droits-de-L’Homme », restaurée en 2004, souligne Lionel Dubois, architecte des Monuments historiques en charge de la restauration.

Seule déception et non des moindres, la restauration du décor patrimonial Art déco du théâtre n’est pas comprise dans les différentes enveloppes budgétaires. La rénovation du théâtre est estimée à 19 millions d’euros toutes dépenses confondues, et celle de l’esplanade et des terrasses à deux tranches évaluées à 6 millions d’euros. Une étude menée en 2012 par Lionel Dubois prévoit à court terme des interventions d’urgence sur les toiles marouflées de Ker-Xavier Roussel dans la galerie des Nabis, qui est appelée à redevenir le hall d’entrée du théâtre en 2017. Force est de constater que les décors peints sont restés « dans leur jus », y compris les œuvres de Bonnard et Vuillard dans la galerie des Nabis, et celles de Maurice Denis dans les salles des Quatre-Colonnes, et qu'ils ont besoin d'un sérieux lifting. Pour trouver les 2 millions d’euros nécessaires à la campagne de restauration (toiles, luminaires, ferronneries), le TNC a lancé une campagne de mécénat auprès des particuliers et des entreprises. Avec la réouverture de la salle Gémier à l’automne 2017, ces espaces patrimoniaux seront à nouveau au cœur du théâtre. Il serait dommage qu’ils ne fassent pas partie du renouveau du TNC.