Pour compenser les ressources limitées de leur tutelle, les musées des villes de moins de 20 000 habitants misent sur l’exigence et la singularité.
Ce classement des musées des villes de moins de 20 000 habitants est sans doute le plus hétérogène en termes de structures, de domaines et de taille. Comment en effet comparer le Musée national du château de Fontainebleau (2e de cette catégorie, 18e au classement général) et le Musée de Salagon (8e/55e), musée départemental ethnologique niché dans les Alpes-de-Haute-Provence ?
Le caractère hétéroclite de ce classement a le mérite de mettre en valeur le travail de musées ne disposant pas toujours des infrastructures des grandes villes ni d’un bassin suffisant de visiteurs limitrophes, mais qui attirent malgré tout curieux, touristes et amateurs grâce à l’exigence et la singularité d’expositions et de collections. Le trio de tête du Palmarès 2013 reste inchangé, même si le château de Fontainebleau cède la première place au Musée Matisse du Cateau-Cambrésis, qui a vécu une année particulièrement chargée (lire encadré). À Fontainebleau, le Festival de l’histoire de l’art est maintenant ancré dans le paysage (18 000 visiteurs en 2012, 20 000 en 2013) et place le musée sous les feux de la rampe, facilitant une politique de mécénat (310 000 euros en 2012) pour la restauration des lieux. Il faut noter que le mauvais résultat du Musée Condé de Chantilly, qui baisse de la 4e à la 12e place, est sans doute dû à de multiples absences de réponses au questionnaire fourni par le Journal des Arts, qui plombe le résultat final en termes de points. Au château du duc d’Aumale, la restauration des jardins se poursuit et l’année 2012 a été marquée par l’ouverture d’une nouvelle salle d’exposition, inaugurée par l’exposition « Delacroix à l’aube de l’orientalisme ».
Les clés du succès
L’adéquation d’un site et d’un territoire avec sa collection semble être l’une des formules gagnantes de ce palmarès : ainsi le Musée des impressionnismes de Giverny grimpe de la 13e à la 6e place, une ascension qui récompense le recentrage de son identification, et une collection permanente en construction. L’Historial de la Vendée, (4e/32e) près de Boulogne, présente avec des collections locales, l’histoire du département de la préhistoire au XXe siècle : près de 60 000 Vendéens le visitent chaque année, alors qu’il n’attire que 3 % de touristes étrangers. Pour faire revenir ses visiteurs, l’Historial multiplie les activités, en particulier à destination des enfants, et développe son offre numérique.
La ville natale d’un artiste peut donner naissance à une institution florissante, à l’image du Musée départemental Georges de La Tour à Vic-sur-Seille (26e/117e) ou du Musée Courbet à Ornans (40e/153e). Ce genre de musée capitalise sur la célébrité de l’artiste pour faire rayonner la ville au niveau national. En 2012, le Musée Courbet a lancé une grande souscription nationale pour acquérir un tableau du maître, Le chêne de Flagey, réunissant grâce au mécénat et aux dons de particuliers plus de 3 millions d’euros, preuve que les petites structures peuvent encore acquérir des œuvres de choix. À Céret, la ville s’enorgueillit d’accueillir un musée d’art moderne (7e/52e) relatant les apports que la cité a apportés aux peintres de l’art moderne avec les séjours de Picasso, Braque, Matisse ou Miro. Au fil des ans, la collection s’est enrichie de dons d’artistes et de collectionneurs, et la volonté de coproductions pour les expositions temporaires a favorisé la qualité scientifique de l’institution, sous l’impulsion indéniable de sa directrice Joséphine Matamoros qui a passé la main en 2012 à Nathalie Gassot, venue du Musée des beaux-arts de Quimper.
Nouvel entrant dans ce haut du classement, le Musée de Salangon, conservatoire ethnologique de Haute-Provence : ce résultat n’est pas anecdotique, puisqu’il souligne l’engouement du publique pour ce type d’institution, entre monument historique et visite de plein air. Alors que la plupart des musées de ce classement observent une baisse de leur fréquentation, Salangon est en légère hausse, avec 39 000 visiteurs cette année. L’amélioration de l’accueil, l’ouverture d’un jardin des senteurs et la numérisation de ses œuvres permettent également à la petite structure d’obtenir la 8e place de ce classement (40e dans le Palmarès précédent).
Au Cateau-Cambrésis le Musée Matisse à l’honneur,
Le Musée départemental Matisse au Cateau-Cambrésis revient en première place de ce classement 2013 par taille. L’année 2012 aura été une année charnière pour l’institution, avec le départ à la retraite de sa directrice Dominique Szymusiak qui incarnait le musée depuis 1980 et a porté l’extension et la réhabilitation du lieu à la fin des années 1990. L’année a également été marquée par l’anniversaire de sa réouverture en 2002, fêtée grâce à une très jolie rétrospective d’Auguste Herbin. En dix ans, le Musée Matisse est devenu incontournable malgré sa localisation excentrée, grâce au soutien du département du Nord, très actif dans le domaine culturel. Avec des expositions exigeantes et une politique éditoriale forte, le musée attire près de 70 000 visiteurs par an, soit dix fois la population du Cateau. La nouvelle directrice Carrie Pilto, venue du Musée d’art moderne de San Francisco, va devoir gérer cet héritage, mais aussi mener à bien un projet d’extension : l’ancien marché couvert de la ville est appelé à devenir un centre de documentation, des espaces pédagogiques et une salle d’exposition des collections contemporaines. De quoi occuper les équipes scientifiques pour les années à venir.
Les retombées du tourisme
À Giverny, grâce au Musée des impressionnismes (6e), le petit village de 500 habitants voit défiler chaque année environ 155 000 visiteurs venus découvrir les jardins et les peintures de l’institution. À Cassel, le Musée départemental des Flandres (11e) a revitalisé la ville en permettant aux boutiques et cafetiers d’accueillir 60 000 visiteurs, dont 36 % de visiteurs étrangers. La réouverture du Musée Courbet à Ornans, avec 60 000 visiteurs réguliers (dont environ 50 % venus d’autres départements ou de l’étranger) a eu pour résultat de doubler les revenus liés à la taxe de séjour de la commune entre 2010 et 2012 et de créer une vingtaine d’emplois directs. La crise économique érode cependant ce phénomène, avec une fréquentation globalement plus en baisse que pour les institutions des deux autres classements. L’attractivité du tourisme liée aux musées reste néanmoins un outil de rayonnement du territoire que les collectivités prennent dorénavant en compte dans la gestion de leurs subventions.
Des collections bien entretenues
Avec des collections très disparates (archéologie, ethnographie, beaux-arts, photographie ou art contemporain), les musées de ce classement sont confrontés aux mêmes contraintes que les grands musées du territoire, mais souvent avec beaucoup moins de ressources. En termes de moyens humains, la présence d’un effectif homogène pour la conservation des collections est un des critères primordiaux pour une bonne gestion des œuvres. Les données récupérées cette année sont encourageantes. Le personnel attaché à la conservation est en augmentation, en partie grâce à l’engouement des collectivités pour le cadre d’emploi des attachés de conservation du patrimoine. Le nombre de conservateurs se maintient et la volonté de l’Institut national du patrimoine d’accroître ses promotions devrait permettre de continuer à fournir du personnel compétent aux institutions. Il faut souligner également que le récolement général est globalement plus avancé dans les institutions du classement des petites villes que dans celui des villes moyennes, un bon résultat à l’actif d’équipes scientifiques moins nombreuses.
À noter que le Musée des beaux-arts de Pont-Aven, est fermé pour travaux depuis septembre 2012, (4e au classement l’année dernière). Il rouvrira ses portes en 2015.
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Les petites villes se défendent
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°394 du 21 juin 2013, avec le titre suivant : Les petites villes se défendent