Rudy Ricciotti s’expose aussi à la Cité de l’architecture et du patrimoine de Paris, sans vraiment révéler son parcours et ses procédés de construction.
PARIS - Ses formules chocs en ont fait la coqueluche du public et des médias qu’il occupe de manière continue ces derniers mois, notamment sur la scène de MP 2013. Une présence encore accrue depuis l’ouverture en avril dernier de l’exposition monographique que lui consacre la Cité de l’architecture et du patrimoine. Placé sous le signe de la « prospective », l’événement présente une sélection de trente projets, réalisés ou non, s’étalant des années 1990 jusqu’aux prochaines livraisons prévues en 2015.
Sur l’un des murs de la grande nef du Palais de Chaillot plongée dans le noir, des images des bâtiments défilent sur quatre écrans panoramiques de sept mètres sur trois et sont une plongée dans le « travail accompli » de Rudy Ricciotti. Au centre de la salle, d’impeccables échantillons de chantier (morceaux de façades et de structures ainsi que des moules de fabrication) semblent comme des pièces de joailleries géantes que le visiteur est autorisé à toucher.
Rien toutefois parmi ces éléments de fabrication ne permet de comprendre la complexité des raisonnements techniques de l’architecte, lequel en virtuose du béton – son matériau de prédilection – est revenu à l’expressionnisme structurel. Chez Ricciotti, les structures s’exhibent et leurs formes sont lyriques. Les exosquelettes placés en extérieur du Pavillon noir d’Aix-en-Provence, de l’école Iter à Manosque ou du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée de Marseille (MuCEM) sont autant de systèmes porteurs relançant l’ancien débat du rapport entre structure et façade.
Un parcours occulté
Sans conteste, le dispositif est beau. Un entretien filmé réalisé par le commissaire Francis Rambert et diffusé en fond de parcours apporte des informations supplémentaires, mais l’ensemble ne laisse en rien l’occasion de saisir le pittoresque personnage dans son acte de création. Pas un croquis, pas une photo d’agence ou de chantier, aucune référence à sa formation d’ingénieur et architecte. Le créateur semble venir de nulle part bien qu’expliquant être redevable aux plasticiens, poètes et autres compagnons œuvrant sur ses chantiers. Alors, au visiteur de se laisser porter par les diaporamas lesquels dévoilent simplement la science du cadrage et la richesse formelle qui sont la marque de l’architecte. Ainsi du Pavillon noir réalisé à Aix-en-Provence pour accueillir le chorégraphe Angelin Prejlocaj et dans lequel les danseurs, évoluant sur de larges plateaux surplombant la ville, offrent aux passants le spectacle de leur libre expression corporelle. Les visuels sont également l’occasion de découvrir des réalisations moins publiées comme les furtives villas « Navarra » et « 356 ». Immergées dans les collines du Var, elles ont l’élégance de disparaître pour laisser la part belle au paysage. Quant au MuCEM, il nous projette de manière dramatique au-dessus de la grande bleue. C’est d’ailleurs l’univers marin (corail, pinces de crabe, mandibules, carapaces et autres ondulations sablonneuses) qui semble habiter le créateur bien davantage que celui du féminin, où dentelles, résilles et autres mantilles caricaturent trop facilement son architecture. Ainsi de la fine enveloppe protectrice du soleil entourant le MuCEM, faite d’une section de roche corallienne, du poulpe géant que semble le Musée Cocteau à Menton ou encore de la délicate coquille du stade Jean Bouin à Paris.
Révolution de matériaux techniques
La réification de ces bâtiments a été rendue possible grâce à l’utilisation du béton fibré ultra performant (BFUP) habituellement utilisé en peaux et parements. Particulièrement compact, sans armatures et contenant des fibres métalliques, il permet des formes complexes, de grandes dimensions et de faibles épaisseurs. Né dans les laboratoires français lors de l’épopée des premières centrales nucléaires, il est particulièrement étanche et il permet des volumes d’une grande finesse. Depuis peu, il trouve une application dans le secteur du bâtiment et Rudy Ricciotti en est l’un des précurseurs. Ce matériau a permis la réalisation de l’enveloppe ondulante du stade Jean Bouin, un assemblage de pas moins de 3 330 triangles dont, les épaisseurs varient de 3.5 à 18 cm et relèvent d’un véritable travail de marqueterie.
Quoi qu’il en soit, formes et matières issues d’une grande maîtrise technique servent toujours l’émotion plastique. L’architecte bandolais a atteint une capacité d’expression poétique avec le béton aujourd’hui inégalée. Et pour qui sait regarder au-delà de la faconde sudiste, Rudy Ricciotti représente l’un des créateurs les plus roboratifs du métier. Preuves à l’appui : le MuCEM et le stade parisien qui ouvriront leurs portes en juin prochain.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Riciotti, le roi du béton
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 8 septembre, 1, place du Trocadéro et du 11 novembre 75016 Paris, ouvert tlj 11h-19h sauf le mardi, nocturne jusqu’à 21h le jeudi, catalogue « Ricciotti architecte », collectif sous la direction de Francis Rambert, coédition Cité de l’architecture & du patrimoine, Paris/Le Gac Press, Blou, 352 pages, 40 €
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°392 du 24 mai 2013, avec le titre suivant : Riciotti, le roi du béton