PARIS - Deux procédures de mise sous protection ont récemment été engagées en faveur du peintre chinois Zao Wou-ki, aujourd’hui âgé de 92 ans.
L’une en France, ouverte par Jia-Ling Zhao, son fils à la retraite ; la seconde en Suisse, par son épouse Françoise Marquet, ancienne conservatrice. Maître Genon-Catalot, l’ami de Zao Wou-ki, chargé ici de défendre l’épouse, explique que, après l’attaque en justice de Jia-Ling Zhao, Françoise Marquet n’avait d’autre choix que de recourir au juge. Pour la partie adverse, représentée par Maître Hugot, spécialiste du droit de l’art, il est regrettable, compte tenu de la gravité de l’état de santé de l’artiste, qu’aucune mesure judiciaire n’ait été prise avant.
Zao Wou-ki s’était installé en France dès 1948. Et, jusqu’en 2011, il y avait encore son atelier et ses amis. Mais c’est en Suisse qu’il est désormais établi. Près de Dully, au bord du lac Léman, l’artiste vit avec sa femme et ses toiles. Aussi, le 31 mai 2012, le juge français s’est-il déclaré incompétent. En application de la Convention de La Haye, seul le tribunal du lieu du domicile de la personne à protéger est habilité à ordonner la tutelle. Maître Hugot affirme pourtant que le critère de la résidence habituelle retenu par les juges repose sur le consentement. Or, selon lui, Zao Wou-ki, qui souffre de la maladie d’Alzheimer, était incapable d’accepter de quitter la France. Me Genon-Catalot, pour sa part, considère que cette maladie neuro-dégénérative est une fiction, même s’il admet certains troubles des fonctions cognitives. Il ajoute que « le conjoint, qui est réputé être le plus proche de la personne à protéger, est naturellement désigné par le droit comme tuteur ». D’ailleurs, le 1er juin, Françoise Marquet a été ordonnée en Suisse cotutrice de son époux, aux côtés de l’avocat genevois Maître Bonnant.
Successions non imposées par l’État suisse
Quelles étaient les raisons de ce départ précipité vers un pays inconnu par Zao Wou-ki ? Celles de l’exil fiscal ? Me Genon-Catalot dément, puis reconnaît que « la seule crainte de Françoise Marquet était que le fonds d’atelier de Zao Wou-ki soit un jour bradé pour pouvoir régler les droits de succession ». Or, en Suisse, les successions ne sont pas imposées par l’État. Me Hugot dénonce la perte d’un patrimoine considérable pour la France, « alors que, depuis 1958, la loi Malraux permet de s’acquitter des droits de succession par dation ». Cependant, « ce n’est qu’après le décès de l’artiste que l’État décide d’accepter ou de refuser la succession », rétorque son confrère. Autre élément faisant débat, il apparaîtrait sur les cartes de séjour délivrées en Suisse à Zao Wou-ki et Françoise Marquet que seule cette dernière est habilitée à faire du commerce. Ce qui lui aurait permis de procéder à la vente de certaines toiles, afin de subvenir aux besoins du quotidien. De ces transactions de gré à gré, difficilement contrôlables, Me Hugot déduit une volonté de dissimulation et de détournement. « En réalité, mon client a le sentiment, confirmé par des faits, que l’on souhaite l’exclure ». Mais, en droit français comme en droit suisse, il est une règle du régime matrimonial primaire (applicable à tous les époux, même mariés sous le régime de la séparation de biens, comme en l’espèce), qui veut que le conjoint gère les biens de l’adulte à protéger. En outre, « tant que Zao Wou-ki est vivant, il peut faire ce qu’il veut de son argent. Son fils n’a aucun droit de regard sur la gestion faite par son père de son propre patrimoine, rétorque Me Genon-Catalot. En revanche, le juge des tutelles, lui, contrôle tout cela ». Enfin, il est reproché à Françoise Marquet d’avoir créé en Suisse une fondation « Zao Wou-ki ». Son but serait de promouvoir l’œuvre de l’artiste. Toutefois, si Mme Marquet en est la présidente, ni Zao Wou-ki ni ses enfants n’en font partie. Me Genon-Catalot, qui est membre de son conseil d’administration, a tenu à préciser que Françoise Marquet n’est titulaire d’aucun droit patrimonial ou extrapatrimonial sur l’œuvre de son époux, qui reste l’unique propriétaire de ses tableaux.
Un contredit a été formé à l’encontre de la décision rendue en France par le juge des tutelles. « Mais, puisque la tutelle a été prononcée en Suisse, cet appel n’a pas de sens », insiste Me Genon-Catalot. Concernant la plainte pénale déposée le 30 mai pour abus de faiblesse, il se dit également confiant : « Encore faudrait-il qu’il y ait eu accomplissement d’actes gravement préjudiciables ». « Mon client souhaite que la volonté de son père de rester en France soit respectée », conclut Me Hugot.
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Zao Wou-ki mis sous tutelle
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°373 du 6 juillet 2012, avec le titre suivant : Zao Wou-ki mis sous tutelle