Votre galerie va fêter ses vingt ans à Toulouse. Comment expliquez-vous une telle longévité en province dans un pays plutôt jacobin ?
C’est une question de persévérance. Une volonté d’être ancré dans ma ville, de défendre un travail sans reproduire un schéma préétabli. Pour durer, il faut être présent aussi bien à Toulouse et dans la région, où je réalise 50 % de mon chiffre d’affaires, que sur les foires à l’étranger. Le fait qu’on ait pu rentrer à la Foire de Bâle en 1993, au moment où tout le monde en partait, nous a permis d’intégrer par la suite d’autres foires. On espère maintenant pouvoir retourner un jour sur Art Basel.
Avez-vous la sensation qu’en vingt ans la situation des galeries de province a changé ?
Pas vraiment. Elle s’est même quelque peu durcie. Le ralentissement de l’activité des FRAC [Fonds régionaux d’art contemporain] nous a affectées. Voilà une quinzaine d’années, les FRAC étaient plus attentifs aux enseignes de province. Ils regardent maintenant davantage vers Paris. Quelque part, la facilité dans les transports nous a nui. Pendant longtemps, des villes comme Toulouse ou Marseille étaient protégées car il n’était pas aisé de se rendre régulièrement à Paris. De fait, Toulouse a eu à un moment des galeries importantes. Mais beaucoup de structures qui avaient ouvert en province ont depuis rejoint Paris. Autrefois, il n’y avait pas autant de discrimination à la FIAC [Foire Internationale d’Art Contemporain] alors que l’an dernier, nous n’étions plus que quatre exposants de province.
Cette année, vous avez été exclu de la FIAC. Comment réagissez-vous face à cette décision ?
Cette exclusion n’est pas innocente. Elle exprime une volonté : celle que nous, galeries de province, disparaissions. Aucun des membres du Comité de sélection n’a mis une seule fois le pied chez moi. Depuis ma première participation à la FIAC en 1993, ma présence n’a jamais été naturelle. En m’excluant et en mettant sur liste d’attente d’autres galeries, la FIAC montre qu’on n’existe pas à ses yeux. Ironiquement, je suis sur la liste d’attente de la foire de Shanghai et d’Art Basel Miami Beach, mais pas sur celle de la FIAC !
Quels sont vos arguments pour convaincre un artiste d’avoir une galerie en province en sus d’une représentation parisienne ?
Nous n’avons pas beaucoup d’artistes qui aient aussi une représentation parisienne. Quand c’est le cas, ils restent avec nous parce que nous travaillons depuis longtemps avec eux. Les artistes savent que nous faisons un travail sur le long terme, avec passion, même s’il est plus modeste qu’ailleurs. Mais il est vrai que certaines galeries parisiennes considèrent que pour un artiste, avoir une galerie en province est une complication inutile. Le dialogue était plus aisé autrefois, avec des galeries comme Durand-Dessert par exemple, qui avaient connu des difficultés et étaient moins happées par le business.
Vous êtes l’une des plus vieilles galeries de Sophie Calle. Comment réussissez-vous à rester dans la course depuis qu’elle a intégré une enseigne puissante comme celle d’Emmanuel Perrotin ?
Je n’ai jamais eu de problème avec Emmanuel. Nous avons mené avec Sophie des projets depuis quinze ans. Bien sûr, en quinze ans, les choses changent. Elle a plus de succès, ce dont je suis très fier. Cela rend évidemment plus complexe notre collaboration, mais nous avons pu récemment mener ensemble un travail qu’elle a intitulé Transport amoureux pour la station de métro Jeanne d’Arc à Toulouse. Cette commande sera inaugurée le 28 juin. Nous allons aussi débuter notre série de dix expositions anniversaires basées sur des face-à-face d’artistes, avec un dialogue entre elle et Bertrand Lavier.
Qu’en est-il pour une artiste comme Madeleine Berkhemer, qui est aussi dans une galerie « branchée » et respectée comme Nicola von Senger (Zurich) ?
Mes relations avec elle sont antérieures à celles de Nicola. Il l’a découverte à Madrid sur notre stand de l’ARCO. Avec Madeleine, nous avons un suivi très profond, avec beaucoup de projets aboutis et un beau succès commercial. Les expositions qu’elle a faites à Paris, comme celle chez agnès b., étaient liées à notre travail. Il n’y a d’ailleurs pas de bras de fer avec Nicola. Si nous existons encore, c’est que les gens reconnaissent un certain type de travail, moins lié au marché, moins show-biz. Il s’agit d’un travail plus lent, qui correspond peut-être plus au rythme de la province, mais aussi à celui de la création artistique. C’est ce qui manque dans l’agitation du marché et que les artistes, comme les collectionneurs, retrouvent chez moi.
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Brice Fauché, directeur de la galerie Sollertis à Toulouse
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°262 du 22 juin 2007, avec le titre suivant : Brice Fauché, directeur de la galerie Sollertis à Toulouse