Depuis 2010, la cité épiscopale d’Albi, dans le Tarn, fait partie du cercle fermé des sites inscrits au patrimoine mondial de l’humanité. Parmi ses richesses”¯: son austère cathédrale et ses fresques du XVIe siècle.
Parmi les monuments emblématiques d’Albi, deux édifices spectaculaires se distinguent par leurs proportions : l’austère palais de la Berbie, résidence des évêques devenue le Musée Toulouse-Lautrec [lire p. 72], et l’impressionnante cathédrale Sainte-Cécile, qui constitue la plus grande église en briques du monde. Forteresse de la foi catholique érigée en terre « d’hérésie » cathare, son allure massive proclame la toute-puissance de l’Église et réaffirme le pouvoir religieux et temporel des évêques. Ce bijou du gothique méridional, à la stature imposante (114 m de long, 35 m de large et 30 m de haut), dissimule derrière ses épaisses murailles un décor exceptionnel, dont la profusion et le raffinement tranchent radicalement avec le dépouillement de son architecture.
Le décor peint et sculpté : la revanche d’un évêque
Cette dichotomie entre l’architecture et le décor s’explique, non seulement par la durée du chantier – débuté en 1282, il ne s’achève qu’à la toute fin du XVe siècle, et entre-temps le goût et les conceptions théologiques ont évolué –, mais aussi par l’ambition d’un évêque désireux de laisser une trace grandiose de son épiscopat.
Ambassadeur à Rome, Louis d’Amboise est démis de ses fonctions, car on le réclame pour devenir évêque d’Albi, une affectation qu’il ressent comme une rétrogradation injustifiée. Le prélat tire alors profit de cet « exil » en s’illustrant comme un grand commanditaire ; le décor de Sainte-Cécile sera son grand-œuvre, sa revanche. De 1474 à 1503, il transforme la physionomie du monument avec un programme décoratif qui inclut le plus vaste Jugement dernier de l’époque médiévale et un des plus grands ensembles de sculptures polychromes du XVe siècle. Son neveu Louis II d’Amboise lui succède et parachève son œuvre avec le plus grand cycle de fresques de la Renaissance réalisé en France.
Près de 20 000 m2 de peintures murales
Louis d’Amboise voit les choses en grand, le Jugement dernier qu’il commande à un atelier flamand est une impressionnante représentation des tourments de l’enfer. Saisissants de cruauté, les supplices infligés aux damnés possèdent une profonde volonté d’édification. Cette composition effrayante est ainsi peuplée de créatures diaboliques rendues avec un goût du détail et une certaine délectation dans la représentation de situations scabreuses. Contemporain mais d’une tout autre inspiration, l’immense programme sculpté du jubé offre une vision du Salut à travers l’histoire des grandes figures de l’Église.
Séparation physique et symbolique entre la nef et le chœur liturgique, le jubé est traité à la manière d’une véritable dentelle de pierre de style flamboyant. Une superbe structure dans laquelle viennent se loger cent cinquante statues polychromes, un véritable cortège de personnages bibliques traités dans une veine naturaliste. Enfin, pendant pariétal à ces deux ensembles, les fresques des voûtes, des tribunes et des chapelles viennent parfaire le programme décoratif de la cathédrale.
Réalisé à partir de 1509 à l’initiative de Louis II d’Amboise, le décor exécuté par un atelier italien s’impose comme la plus grande peinture murale de la Renaissance réalisée en France. Ce travail virtuose où dominent l’or et l’azur, qui matérialisent les cieux, développe un programme iconographique complexe qui illustre les vérités et les mystères du christianisme ; un discours théologique rythmé par des éléments décoratifs profanes typiques de la première Renaissance comme les grotesques. Les Albigeois aiment raconter qu’en visitant Sainte-Cécile, Chateaubriand se serait enthousiasmé : « Vous avez plus qu’une église, vous avez un musée ! » En admirant ses peintures murales qui occupent près de 20 000 m 2 et son magnifique ensemble de sculptures polychromes, on est tenté de donner raison au grand écrivain.
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Sainte-Cécile d’Albi - Un trésor de couleurs dans un corset de briques
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°648 du 1 juillet 2012, avec le titre suivant : Sainte-Cécile d’Albi - Un trésor de couleurs dans un corset de briques