Présenté au dernier Festival de film de Dinard, « Baltimore » repose sur des événements réels : le vol d’œuvres d’art pour soutenir la lutte armée de l’IRA, mené par une riche héritière devenue terroriste.
26 avril 1974. Dans un coin de campagne irlandaise, une jeune femme sonne à la porte du manoir de Russborough. Elle est en panne, dit-elle. Peut-elle utiliser le téléphone pour appeler un garage ? Quand le majordome s’écarte, une bande armée force l’entrée. Sir Alfred Beit, son épouse et leurs employés sont violentés et ligotés. Puis le gang déguerpit avec 19 toiles de Goya, Rubens, Gainsborough… Un butin évalué à 120 millions d’euros actuels. Il ne s’agit pas d’un vol mais d’une prise d’otage. Le gang se revendique de l’Armée Républicaine Irlandaise (IRA). En menaçant les œuvres, il réclame une rançon et la libération de prisonniers politiques.
Réalisé par Christine Mollow et Joe Lawlor, Baltimore relate ce casse spectaculaire et le destin d’une militante atypique. La leader du groupe était en effet issue de la noblesse anglaise. Diplômée d’Oxford, Rose Dugdale avait rejoint l’IRA et s’était spécialisée dans les explosifs. Le scénario brasse plusieurs années de la vie de l’héroïne, tout en s’attardant sur le braquage et la brève cavale qui suivit. Les cinéastes tentent de marier ces deux temporalités en morcelant le récit en flash-back, sans parvenir, hélàs, à trouver l’équilibre. Baltimore tient surtout par son personnage extraordinaire. Incarnée par une Imogen Poots enflammée, Rose restera une énigme. Combat-elle pour la cause irlandaise ou contre son éducation britannique ?
Au second plan, ce film raconte aussi une œuvre. Parmi les toiles accumulées dans sa planque, Rose est fascinée par la Femme écrivant une lettre et sa servante de Johannes Vermeer (v. 1670-1671). Selon ses origines, elle devrait se reconnaître dans la « femme ». Or son regard est aimanté par cette servante qui fixe la fenêtre avec mélancolie, prisonnière de sa maîtresse et de sa classe. Et Rose de douter : pourrait-elle détruire ce Vermeer qui la bouleverse ? Condamnée à neuf ans de prison, elle n’a jamais mis sa menace à exécution. Informée de son action, les prisonniers de l’IRA avaient indiqué qu’ils ne souhaitaient aucunement que les œuvres soient menacées. Cinquante ans plus tard, la question de la violence infligée à l’art au nom des grandes causes se pose encore. La Femme écrivant une lettre et sa servante est exposée à la galerie nationale de Dublin. Rose Dugdale est morte, dans cette même ville, le 18 mars 2024.
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« Baltimore » : comment voler un Vermeer ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°781 du 1 décembre 2024, avec le titre suivant : « Baltimore » : comment voler un Vermeer ?