Le réaménagement des abords de la cathédrale (parvis, square et berges), prévu à l’automne 2025, doit répondre aux problématiques à la fois touristiques et climatiques, tout en valorisant le monument religieux.
Paris. Pour la réouverture de Notre-Dame, la Ville de Paris n’est pas arrivée les mains vides : son grand chantier de réaménagement des abords de la cathédrale – financé par la municipalité à hauteur de 50 millions d’euros – ne démarre qu’en 2025, mais les premiers visiteurs du monument ont pu fouler un « petit parvis » avant de franchir le porche monumental. Plus qu’un échantillon, c’est une vraie mise en bouche pour Bas Smets, le paysagiste belge lauréat du concours architectural lancé par la Ville, qui présente cette première intervention comme une extension de la cathédrale.
Aux dimensions du parvis de Notre-Dame au XIIIe siècle, lorsque la haute façade du massif occidental se révélait au détour d’une rue étroite, ce petit parvis est conçu dans la continuité du sol de la cathédrale : « Tous les dallages à l’intérieur sont basés sur la mesure du pouce royal, et nous avons utilisé ce même étalon à l’extérieur pour que le parvis soit exactement aux mêmes dimensions, détaille Bas Smets. Le traitement de surface reprend la technique du layage, des petites incisions dans la pierre qui vont créer une animation à la surface avec les changements d’orientation du soleil, une sorte de damier optique. Ce sont des éléments atmosphériques, presque cosmologiques si on veut, que je souhaitais amener… C’est un chantier dans lequel il faut avoir une dimension spirituelle. »
Pour le bureau belge, l’enjeu est de ménager une expérience de visite agréable, propice à la contemplation, tout en répondant au cahier des charges général des aménagements urbains parisiens, dont les aiguillons sont la végétalisation, la réduction de l’espace accordé aux voitures et l’adaptation aux enjeux climatiques. Difficulté supplémentaire, c’est un aménagement qui devra supporter chaque année les pas de 15 millions de visiteurs.
Dans cet objectif, le grand parvis reste aux dimensions qui lui ont été conférées par les aménagements du baron Haussmann au XIXe siècle. Mais ce grand rectangle, qui reporte quasiment horizontalement l’ampleur du massif occidental de la cathédrale, reviendra un peu plus travaillé : de la pierre calcaire remplace ici le granit sombre des places parisiennes, pour mieux éclairer la cathédrale. En été, une lame d’eau parcourra ce grand parvis, pour rafraîchir cet espace exposé au soleil, mais aussi renforcer les effets atmosphériques chers aux paysagistes. Enfin, une couronne d’arbres enserrera le parvis, offrant des assises ombragées aux visiteurs.
L’intérêt de ce projet d’aménagement est également d’offrir un véritable parcours, peut-être même une esquisse de médiation, aux visiteurs de la cathédrale, en ménageant des points de vue privilégiés sur sa façade. Un marquage au sol pour signaler l’endroit où l’on voit la tête de la Vierge, ou pour se placer au centre de la rosace ; des bancs depuis lesquels on perçoit les connexions urbaines entre la cathédrale et le Panthéon : l’aménagement sera parsemé d’incitations à lever les yeux. Le petit parvis lui-même fait partie de ces dispositifs : « Il va permettre de retrouver cette vue ascendante sur la cathédrale, telle qu’imaginée par les architectes il y a huit cents ans, qui voulaient qu’on lève les yeux vers le ciel ! », promet le paysagiste.
L’agence d’architecture et d’urbanisme Grau, associée au sein du groupement du Bureau Bas Smets, est de son côté chargée d’aménager un centre d’accueil dans le parking souterrain de la cathédrale. La valorisation de cet espace permet de créer une entrée plus visible pour la crypte de Notre-Dame, et de créer une connexion directe avec les quais de Seine. Les architectes l’imaginent comme un lieu de promenade souterrain, reliant le fleuve à la cathédrale à travers un escalier qui, là aussi, offrira un point de vue inédit sur le monument. « En sortant de la crypte, on aura une vue sur la Seine, ce qui permet de comprendre les vestiges qui y sont conservés, puisque le visiteur sort à l’endroit où les bateaux arrivaient et déchargeaient à l’époque romaine. »
Au-delà des abords du massif occidental, l’emprise proposée par la Mairie de Paris lors du concours s’étend à l’ensemble de la cathédrale, des rives de Seine jusqu’à la pointe de l’île de la Cité, où se trouve le Mémorial des martyrs de la Déportation. C’est au niveau de l’arrière du chevet que les plans tracés par Bas Smets se sont heurtés à de vives critiques de la part de défenseurs du patrimoine, souhaitant préserver l’esprit parisien du square Jean-XXIII, et notamment ses grilles. Le sujet est désormais clos : « Nous avons remis les grilles. Pour moi, avec ou sans elles le projet fonctionne, ce n’est pas un problème. Enlever les clôtures était simplement l’un des attendus du concours de la Ville », précise le paysagiste.
Cette partie arrière du projet est cruciale, pour la municipalité comme pour le diocèse, qui souhaitent tout deux répartir les flux touristiques autour de la cathédrale, et encourager l’accès depuis l’île Saint-Louis et la rive gauche. Un petit belvédère sera ainsi aménagé, suivant l’ancienne forme de l’île de la Cité, pour attirer les visiteurs vers cette zone : « Le chevet, le Mémorial doivent redevenir des points d’intérêt. L’ambition est vraiment d’éviter que les touristes fassent la queue, aillent dans Notre-Dame, puis enchaînent sur la tour Eiffel. On veut les inviter à marcher, à s’approprier un site dans son ensemble, et faire en sorte que le tour de Notre-Dame devienne une activité en soi…»
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Les abords de Notre-Dame : flux, climat et spiritualité
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°645 du 13 décembre 2024, avec le titre suivant : Les abords de Notre-Dame : flux, climat et spiritualité