PARIS – AVIGNON [28.10.14] - TERA Consultants a publié ce mois-ci une étude sur l’évolution de la contribution des industries créatives à l’économie de l'Union européenne (UE) en termes de PIB et d’emploi, entre 2008 et 2011. Elle relève la destruction de 400 000 emplois dans l’UE sur cette période, en partie due au piratage. La France s’en sort mieux.
L’étude menée par le cabinet d’expertise économique international et indépendant TERA et le think tank du Forum d’Avignon sur « la contribution des industries créatives à l’économie de l’Union européenne en termes de PIB et d’emploi » met en évidence la régression des activités créatives au sein de l’économie européenne entre 2008 et 2011. « Une tendance alarmante et contraire aux objectifs de la Commission européenne qui prévoyait que la croissance des industries culturelles et créatives devait être comparable à celles des services. Or si les activités et industries créatives avaient évolué comme le secteur des services, elles auraient engendré sur la même période 1 million d’emplois et 47 milliards d’euros de valeur ajoutée supplémentaires par rapport à ce qui a été réalisé », d’après les auteurs.
190 000 emplois perdus dans les 5 principaux pays
Si l’étude confirme l’importance de l’ensemble des industries créatives (centrales et périphériques, ces dernières correspondant en amont aux fournisseurs et, en aval, aux clients (distributeurs-diffuseurs) des industries créatives centrales) sur l’économie européenne (UE à 27) avec une valeur ajoutée représentant environ 860 milliards d’euros (soit 6,8 % du PIB européen) et 14 millions de personnes employées (soit 6,5 % du total des emplois en Europe), les auteurs soulignent une évolution négative des emplois avec une perte de 400 000 emplois équivalents sur la période 2008-2011.
Les industries créatives des cinq pays (Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume Uni), qui constituent 72 % de la valeur ajoutée totale des industries créatives et 68 % des emplois en Europe, ont enregistré une plus forte baisse que l’économie dans son ensemble, souligne l’étude. Cela correspond à une perte de 20 milliards d’euros de valeur ajoutée et de 190 000 emplois pour ces cinq pays.
La France échappe néanmoins à ce triste constat : le poids économique des industries créatives a augmenté autant en terme de valeur ajoutée ( 4 %) qu’en terme d’emplois ( 0,4 %), au-dessus de la tendance générale de l’économie. Cette conclusion semble en phase avec les résultats de l’étude, « L’apport de la culture à l’économie en France », menée en décembre 2013 par les inspections générales des finances et des affaires culturelles. Ces résultats s’expliquent en partie grâce à la mise en place d’une première forme de riposte au piratage sur Internet avant 2011, à travers le système de réponse graduée d’HADOPI, d’après les auteurs de l’étude.
L’impact du piratage
Certes, la crise économique et financière majeure qui a marqué la période 2008-2011 n’a pas facilité la création d’emplois. Mais en analysant l’interdépendance entre la croissance des industries créatives et la législation relative à la protection de la propriété intellectuelle, Laurent Benzoni, professeur d’économie à l’université Paris II qui a codirigé l’étude avec Philippe Hardouin, souligne un autre phénomène. L’utilisation croissante des médias numériques, qui ont permis aux industries créatives d’initier de nouveaux modèles économiques (comme les plates-formes de musique en ligne ou la vidéo à la demande) ne s’est pas toujours accompagnée d’une réglementation adaptée. « Face à ces mutations, la réglementation n’a pas évolué de manière significative, en particulier dans le domaine critique de la lutte contre le piratage, que ce soit à l’échelle de l’UE ou dans ses plus grands pays, à l’exception de la France, où un système de réponse graduée a été rendu opérationnel par la création de la haute autorité HADOPI. Au Royaume-Uni et en Espagne, l’adoption de nouvelles lois – respectivement « DEA » et « SIND E » – n’a pas eu de suites réelles et concrètes à ce jour, bien que votées en 2010 et en 2011 ».
Or, dans sa première étude, « Promouvoir l’économie numérique : l’enjeu de l’emploi dans les industries créatives de l’UE », publiée en mars 2010 par TERA Consultants pour la Chambre internationale de commerce, le cabinet avait anticipé l’impact du piratage numérique en Europe en termes d’emplois et en l’absence de mesures législatives pour contrer le phénomène. Cette première étude concluait que « d’après les projections actuelles et en l’absence de modification notable de la réglementation, les industries créatives de l’Union européenne pourraient accuser un manque à gagner cumulé, selon les scénarios, compris entre 166 et 240 milliards d’euros à l’horizon 2015, induisant des pertes d’emplois comprises entre 600.000 et 1,2 million ».
Questions de méthodologie
Pour mesurer la contribution des industries créatives (notamment musique enregistrée, cinéma, séries TV et logiciels) à l’économie de l’UE, l’étude (qui affirme tenir compte d’une définition plus précise et plus complète du périmètre des industries créatives européennes) a examiné les données statistiques des États membres de l’UE, de la Commission européenne et de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Les auteurs se sont en grande partie fondés sur les informations relatives au piratage numérique (prévisions du secteur concernant la pénétration du haut débit et celles de Cisco System relatives au trafic Internet en Europe), même si, dans les marchés qui entrent à peine dans l’ère du loisir numérique, les résultats indiquent également l’existence d’un piratage physique résiduel.
Ces résultats tombent à point pour lancer un appel à la nouvelle Commission présidée par Jean-Claude Juncker, qui s’est engagée à produire des emplois, renforcer la croissance et assurer la compétitivité de l’Europe.
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Une étude pointe la perte de 400 000 emplois dans les industries créatives en Europe
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