De Paris à Québec, l’incroyable épopée des tableaux des abbés Desjardins

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 13 avril 2017 - 487 mots

Au XIXe siècle, un prêtre réfractaire exilé a envoyé près de deux cents tableaux des églises françaises au Québec.

C’est une fabuleuse épopée que font revivre les Musées des beaux-arts du Québec et de Rennes. L’aventure follement romanesque, et pourtant confidentielle, des abbés Desjardins. Entre 1817 et 1820, ces deux frères, tous deux hommes d’Église, ont en effet expédié outre-Atlantique cent quatre-vingts tableaux provenant des églises parisiennes. Saisies à la Révolution française, ces œuvres des XVIIe et XVIIIe siècles ont ensuite été stockées dans différentes réserves dans l’attente d’être vendues ou déposées dans les musées de province, fraîchement créés. Philippe-Jean-Louis Desjardins, prêtre réfractaire exilé jusqu’au Concordat, saisit alors cette occasion unique de constituer une riche collection à moindres frais tout en offrant une seconde vie à ces tableaux. Le curé parvient à mettre la main sur d’illustres signatures et les envoie en deux lots à son frère Louis-Joseph, aumônier du couvent des Augustines de Québec, afin qu’il les revende aux paroisses de la Belle Province, en pleine expansion. Les œuvres, pour beaucoup de grands formats, effectuent alors un voyage inouï ; bien loin des standards actuels de sécurité et de conservation préventive ! Les tableaux roulés prennent ainsi le bateau de Brest jusqu’à New York, avec une escale en Angleterre.

À l’origine de la première école de peinture québécoise
Arrivées dans le Nouveau Monde, les œuvres sont retenues par les douaniers. Une fois la situation réglée, elles terminent leur voyage en luge jusqu’à Québec. Le conducteur de la luge avait-il conscience de la valeur artistique et historique de cette cargaison insolite composée de chefs-d’œuvre de Claude Vignon, Daniel Hallé, Pierre Puget, Louis de Boullogne ou encore Jean-Jacques Lagrenée et Quentin Varin ? En arrivant à destination, un deuxième chantier attend ces rescapés. Les toiles sont déroulées, remises sur châssis, restaurées et vendues. Étant donné qu’elles n’entrent pas au musée, mais qu’elles sont réaffectées au culte, elles subissent divers ajustements pour s’adapter à leur nouvel écrin. Les tableaux sont donc fréquemment coupés ou agrandis, quand leur sujet n’est pas tout bonnement rectifié.

La vaste campagne de restauration qui a accompagné l’exposition a d’ailleurs permis de formidables redécouvertes. On a, par exemple, retrouvé sous le Saint Roch conservé dans l’église éponyme de Québec un superbe Saint Antoine de Simon Vouet. Ce dernier avait été privé de ses attributs traditionnels et affublé d’un drapé et d’un petit chien. En l’absence de structure de restauration adaptée, ce sont en effet les bonnes sœurs des Augustines qui se sont affairées à cette tâche, rapidement aidées par des peintres locaux à l’instar d’Antoine Plamondon. Outre les soins qu’ils accordent aux œuvres, ces artistes se voient vite confier une autre mission : copier les best-sellers. Cet atelier de copie est tout simplement le creuset de la première école de peinture québécoise. Parallèlement, les sujets les moins populaires ne trouvent pas acheteur. Ce lot, acquis par le peintre Joseph Légaré, constituera quant à lui le noyau du tout premier musée privé de nos cousins.

« Le fabuleux destin des tableaux des Abbés Desjardins »

Du 15 juin au 4 septembre 2017. Musée national des beaux-arts du Québec, 179, Grande Allée Ouest, ville de Québec (Canada). Ouvert tous les jours de 10 h à 17 h, 21 h le mercredi. Fermé le lundi. Tarifs : 18 et 5 $ (CAD). Commissaire : Daniel Drouin.

www.mnbaq.org

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°701 du 1 mai 2017, avec le titre suivant : De Paris à Québec, l’incroyable épopée des tableaux des abbés Desjardins

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