Scénograffiti

Ni vraiment rétrospective, ni tout à fait chronologique, l’exposition que lui consacre le Mima démontre tout le brio du personnage. Sur trois niveaux, « A Friendly Take-over » superpose avec virtuosité vingt années de création nouées autour d’un jeu systématique avec les codes du graffiti. De fait, à l’instar d’un Rammellzee – l’artiste américain est d’ailleurs cité dans la capsule du rez-de-chaussée –, Delta a d’emblée l’intuition que le contexte du writing (la ville et ses réseaux) est de nature à en propulser la pratique vers un univers à trois dimensions. Dans la lignée d’une « école » afrofuturiste nourrie à la conquête spatiale, il sculpte la lettre et la décompose en de complexes architectures abstraites ou robotiques. Au Mima, Boris Tellegen rejoue cette mise en volume dans la scénographie : avec la complicité de l’artiste Daniel Hofstede, il y délaisse entièrement les murs du musée pour une succession de structures en bois pénétrables, de panneaux superposés et de sculptures monumentales, dont un robot qui déborde le cadre du troisième étage pour pousser ses pieds hors de la pièce, au-dessus du vide et de la ville. Cette mise en abyme, cette « scénograffiti » iconoclaste, redouble le plaisir du visiteur, en le contraignant à se pencher, se faufiler, se jucher ou même escalader pour découvrir les œuvres, tout comme le ferait un writer en expédition.