PARIS
Eli Lotar n’est pas le photographe ni le cinéaste de l’avant-garde parisienne de l’entre-deux-guerres qu’on connaît le mieux, bien que certaines de ses photographies, à commencer par celles de son reportage sur les abattoirs de la Villette, aient contribué par leurs points de vue insolites ou étranges au renouvellement iconographique de Paris et de sa banlieue.
Grâce à la thèse de Damarice Amao et à son travail d’inventaire du fonds détenu par le Centre Pompidou, matrice de cette deuxième rétrospective – la première a eu lieu en 1993-1994 à Beaubourg –, on découvre une création visuelle à la variété de sujets insoupçonnée, un talent pour le détail confondant et un grand art du collage. Les panoramiques de plans rapprochés de pieds chaussés durant la foire de Paris en 1928 sont des photomontages bien trompeurs. Quatre ans après son arrivée en France et son apprentissage de la photographie auprès de Germaine Krull, qui a été sa compagne un temps, le regard du jeune Eliazar Lotar Teodorescu montre dès ses premières prises de vue une grande liberté et dextérité couplées à un sens du cadrage qu’apprécient tant les magazines de l’époque que l’avant-garde littéraire, théâtrale ou cinématographique. Georges Bataille, Lucien Vogel, Joseph Kessel, Antonin Artaud ou Joris Ivens, Yves Allégret, Luis Bunuel et Pierre Prévert lui passent commande pour leurs revues, films ou documentaires. L’engouement d’Eli Lotar pour le cinéma l’a en effet détourné progressivement des commandes des journaux les plus prestigieux de l’époque, au grand dam de Germaine Krull. Les tournages aux Pays-Bas, à Paris, en Espagne ou en Grèce n’en sont pas moins source d’une production photographique de tout premier plan. Au Jeu de paume, la juxtaposition des deux permet de recontextualiser pour la première fois certaines d’entre elles.
L’après-guerre a marqué une césure, une période bien plus floue. Les films réalisés ont été perdus. Les dernières années d’Eli Lotar sont également difficiles ; on le ressent dans la série d’images et de planches-contacts de l’atelier d’Alberto Giacometti, seul focus fait sur cette période. Comme si l’image de temps meilleurs ne pouvait souffrir de visions, de portraits ou autoportraits de l’auteur (pourtant existants) plus sombres.
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Eli Lotar en mode majeur
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Légende Photo
Eli Lotar, Sans titre, 1931, épreuve gélatino-argentique d'époque, 29,9 cm x 39,3 cm, Centre Pompidou, Paris.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°700 du 1 avril 2017, avec le titre suivant : Eli Lotar en mode majeur