CRÉTEIL ET PARIS - À quels futurs les artistes nous vouent-ils ? Et que doivent leurs fantasmagories, leurs projections et leurs utopies à l’imaginaire spatial ?
Cette double question est au cœur de « Space Oddity », exposition elle-même double, puisqu’elle se distribue, dans le cadre d’un Paris photo étendu à toute la métropole francilienne, sur deux modules distincts et complémentaires : l’un, photographique, au Mac Créteil, l’autre, plastique à la Galerie Plateforme. « On a fait notre deuil d’une possible rencontre avec les Martiens », prévient d’emblée François Ronsiaux, commissaire de « Space Oddity », lui-même photographe dédié à l’inventaire des futurs possibles – qu’ils prennent la forme de la catastrophe (dans la série United Land, par exemple) ou du complot planétaire (dans Invasion ou 28e parallèle). De fait, l’imaginaire spatial et (rétro)futuriste qui lie la douzaine d’artistes français de l’exposition est très largement délesté du baroque des space operas et de la science-fiction. Chacune à sa manière, les œuvres présentées au Mac Créteil et à la Galerie Plateforme illustrent plutôt cette phrase de l’écrivain J. G. Ballard : « Le rôle de l’artiste n’est plus tant de produire des fictions dans un monde qui en est saturé, mais bien d’inventer des réalités. »
Pour certains artistes de « Space Oddity », « inventer des réalités » revient à produire une série de mises en scène charriant les fantasmes de l’époque et les représentations d’un futur au fond déjà là. En la matière, la photographie, avec sa contiguïté au réel, offre un médium idoine. Sur un versant optimiste, cela donne les villes éteintes de Thierry Cohen, dont l’obscurité retrouvée éclaire à nouveau le ciel d’étoiles, ou la série Space Project commencée en 2007 par Vincent Fournier. Inventaire subjectif des lieux les plus représentatifs de la conquête spatiale (Cap Canaveral, Baïkonour…), celle-ci donne à voir une aventure collective dont l’accomplissement au cours des cinquante dernières années n’a pas tout à fait éteint la part de rêve. Dans une veine plus pessimiste, presque dystopique, se tiennent les « faux-semblants » de Nicolas Moulin ou les clichés de la série Dark Lens par Cédric Delsaux, qui s’attachent à transposer les personnages de la saga Star Wars dans un environnement urbain contemporain.
Mais l’invention de réalités nouvelles à l’œuvre dans « Space Oddity » se joue aussi dans une succession d’entreprises démiurgiques. C’est le cas du projet Elina de Thomas Lasbouygues et Guillaume Barth : mis en œuvre entre 2013 et 2015, il consiste en rien de moins qu’en la création d’une planète dans le désert de sel d’Uyuni, en Bolivie. Dans la même veine, Cécile Beau modèle le sol d’une planète lointaine, et Noémie Goudal installe au milieu de décors naturels des sphères qui évoquent tour à tour planètes, éclipses ou météorites en feu. Pour ces artistes-là, aborder les rives du futur revient à enfanter des mondes et, de l’aveu de François Ronsiaux, à « satisfaire un besoin absolu de rêver » pour mieux conjurer les périls de l’époque.
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Futurs cosmiques
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Abonnez-vous dès 1 €« Space Oddity », Maison des arts de Créteil (MAC), place Salvador-Allende, Créteil (94), du 7 avril au 13 mai 2017, www.maccreteil.com et Galerie Plateforme, 73, rue des Haies, Paris-20e, du 14 au 30 avril 2017, www.plateforme-paris.com, commissaire : François Ronsiaux.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°700 du 1 avril 2017, avec le titre suivant : Futurs cosmiques