« Le Grand Balcon ». Difficile de faire moins explicite comme titre, mais une chose est claire cependant : le parti pris par Philippe Pirotte ne sera pas celui d’une biennale thématique ordonnancée avec didactisme.
Avec ce rappel de la pièce de Jean Genet (Le Balcon, 1956) pour « canaliser » ce rendez-vous avec l’art contemporain international à Montréal, le commissaire belge n’entend pas la faire simple. Ni vraiment optimiste, les temps actuels ne le sont pas, explique-t-il. « Notre exposition vise quelque chose de plutôt radical : développer un espace indocile et récalcitrant qui donne forme à une esthétique de la résistance à la violence de la quantification et de la catégorisation… » Et, en effet, au sein de l’exposition centrale déployée dans le Musée d’art contemporain, c’est l’intranquillité et l’hybride qui dominent un accrochage qui ménage son lot d’expériences. Si le propos et l’analogie au balcon comme plateforme d’observation-domination, terrain de défoulement hédoniste, peut paraître sur le papier assez abscons, tout s’éclaire physiquement.
L’impureté règne dans le parcours où la sculpture et la vidéo se taillent la part du lion. Parmi l’une des salles les plus stimulantes, celle qui rassemble les tapisseries noir et blanc de Shannon Boone dont l’iconographie télescope photographies d’élégantes des années 1920 et motifs tribaux de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Elles dialoguent avec un hommage filmé par Tanya Lukin Linklater à la première ballerine amérindienne, Maria Tallchief, et avec une installation de Célia Perrin Sidarous. La jeune artiste montréalaise y propose des photographies mises en place sur des dispositifs, entre architecture et sculpture. Les images, elles, révèlent des rébus visuels-nature morte singuliers, déclenchant une perplexité active à la recherche d’une solution. Autre moment mémorable, la vidéo, dernier pan d’une trilogie dédiée à l’économie, de Michael Blum. Nulle leçon posée ici mais une déambulation dans Shanghai sur fond de discours sur le capitalisme démocratique et une fin jubilatoire, performance de clubbing qui célèbre autant qu’elle anéantit cette incursion tragi-comique déviante dans le genre documentaire. Un art du dérapage que l’on retrouve dans l’installation immersive et hirsute d’Haegue Yang, qui a délaissé ses habituels stores lamellés colorés pour des muraux photographiques éclatés et des sculptures explosant tout repère classique. L’ensemble est excessif, outrancier, synthétique et artisanal à la fois, séduisant, définitivement.
Le mandat que s’est confié Philippe Pirotte d’adopter une approche matérialiste et sensualiste est pleinement rempli. Certes, Montréal a perdu sa triennale d’art québécois, mais il a gagné une manifestation très internationale qui lui ouvre des scènes inconnues jusqu’ici. Les découvertes y sont nombreuses, depuis les seize artistes canadiens jusqu’à d’autres comme Lenna Henke ou Nicole Eisenman ; les productions et nouveautés y sont pléthoriques. La Biennale de Montréal foisonne bien du haut de son balcon.
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Vue plongeante sur l’art actuel
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Abonnez-vous dès 1 €Musée d’art contemporain et divers lieux, Montréal (Canada), www.macm.org
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°696 du 1 décembre 2016, avec le titre suivant : Vue plongeante sur l’art actuel