Picasso et Giacometti : l’un est du « pays des figues et des guitares », l’autre du « pays des cimes ». L’un est solaire, l’autre tout en intériorité.
Vingt ans les séparent, pourtant les deux titans du XXe siècle ont entretenu des relations sans concessions pendant une vingtaine d’années à partir de 1931, et elles furent quasi quotidiennes de 1940 à 1941. Quelques décennies plus tard, la Fondation Giacometti et le Musée Picasso les font à nouveau se rencontrer dans un face à face amical, à travers un parcours thématique en huit étapes. Qu’importe si certaines sections sont plus convaincantes que d’autres, l’exposition donne à voir deux cents chefs-d’œuvre, dont quelques-uns comportent des similitudes certaines. Entre les artistes d’abord : tous deux sont peintres, dessinateurs, sculpteurs. Giacometti connaît les œuvres de son aîné. Il abandonne bientôt le style naturaliste (Tête d’Ottilia) pour un cubisme plat mais puissant où les rythmes cohabitent avec des découpes de formes (Couple), inspiré du cubisme, initié bien en amont par Picasso avec la Tête de Fernande. Les deux artistes partagent le goût les arts « exotiques » : la statuaire Dogon, l’art égyptien, les idoles cycladiques fascinent Giacometti. Le syncrétisme primitiviste de Picasso assimile arts africains et sculptures ibériques des fouilles d’Osuna. Les totems de l’un et les stèles de l’autre présentent les mêmes stylisations de formes : chez Giacometti, une Femme cuillère au ventre énorme et creux, ou ce cube sur lequel il entaille son autoportrait en traits nerveux. La même violence plastique se lit dans Femme au fauteuil rouge de Picasso, poussée jusqu’à « la sauvagerie » dans Trois Figures sous un arbre.
Autre proximité, leur relation orageuse avec le surréalisme dont les procédés continueront de jouer un rôle important dans la création de Giacometti. À comparer sa Boule suspendue avec Femmes lançant une pierre, la ressemblance est frappante. Une obsession commune est l’instinct de mort au sein de leur œuvre, à travers crânes, squelettes, figures de gisants, ainsi Picasso montrant la mort de Casagemas avec une étonnante violence chromatique, en résonance avec Tête sur tige de Giacometti, plâtre saisissant de « vérité béante du cadavre ». Leur amitié aura duré vingt ans. Giacometti se sera inspiré du peintre espagnol pour créer son propre univers et, comme le déclarait Pierre Daix, « il a toujours été important pour Picasso de découvrir qu’il cessait d’être seul ».
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Le choc des titans
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Abonnez-vous dès 1 €Musée Picasso, 5, rue de Thorigny, Paris-3e, www.musee-picasso.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°696 du 1 décembre 2016, avec le titre suivant : Le choc des titans