Parallèlement à la Biennale, une exposition à la galerie Vallois Art déco rappelle le rôle majeur de Paul Iribe, créateur oublié qui marqua la transition entre l’Art nouveau et l’Art déco avec une considérable avance sur son temps.
1- LE MOTIF
Alors que les formes courbes et les lignes sinueuses de l’Art nouveau font fureur dans les maisons mondaines depuis 1895, le style s’épuise à la veille de la Première Guerre mondiale. Ses motifs caractéristiques sont reconnaissables dans le travail de Paul Iribe (1883-1935) qui, en 1910, commence à dessiner du mobilier. Les meubles créés pour le couturier Jacques Doucet en 1912 sont les supports de cette réinterprétation des motifs végétaux de l’Art nouveau, comme ses fauteuils aux accotoirs sculptés en volutes. Cette spirale soulignée de perles appelée « nautile » est un symbole basque, région dont est originaire l’artiste, né en 1883 à Angoulême. Elle se prolonge par des guirlandes de fleurs et de graines sculptées ou s’accompagne d’une « rose-Iribe », motif fétiche créé en 1908 qui devient son emblème et celui de l’Art déco. Loin d’être nostalgique, le décorateur « se nourrit d’une chose qui se termine pour créer une chose qui commence », explique l’antiquaire Cheska Vallois. Ces « clins d’œil » au style 1900, mêlés à des formes nouvelles, lui servent en fait à adoucir un meuble un peu trop sévère et à satisfaire son imaginaire.
2- LES LIGNES
Rigueur, géométrie, matériaux précieux : les meubles du créateur sont résolument modernes. Introduit dans la société parisienne par la création de son journal Le Témoin en 1906, Paul Iribe fréquente l’élite culturelle, les couturiers (Paul Poiret, Jacques Doucet), les ballets russes de Diaghilev et les créations de Josef Hoffman. Le raffinement de cette société privilégiée stimule Iribe, qui prône un retour à la simplicité des formes. Plateau en ébène massive de Macassar, pieds sculptés en poirier noirci et monture en palissandre sont ses éléments de prédilection pour créer des tables qui revisitent les styles classiques et son répertoire antique. Ses meubles symétriques aux lignes droites sont typiques de l’Art déco, qui refuse les arabesques et renoue avec la tradition française du style Louis XV. En insérant ces formes dix ans avant l’épanouissement de ce style dans les années 1920 et 1930, Paul Iribe est l’inventeur de l’Art déco.
3- L’ÉCLECTISME
Le galuchat, ce cuir de raie ou de requin à l’aspect perlé, est employé par Paul Iribe pour gainer ses commodes galbées, qui se teintent ainsi d’une couleur rosée délicate, en contraste avec l’ébène foncée du Gabon. Le bois est sculpté en guirlande florale, aperçue quelques années auparavant dans les illustrations de mode qu’il réalisa pour Paul Poiret, en 1908. Sa « rose-Iribe », incrustée en version cubiste sur sa commode, se retrouve quant à elle de manière plus stylisée sur les couvertures de sa « Belle Édition » ou sur les flacons de parfum qu’il dessina pour Jeanne Lanvin. Paul Iribe est en fait un créateur multiple, qui commença en tant que dessinateur au Rire en 1901 pour devenir illustrateur de mode, décorateur de théâtre, directeur artistique à Hollywood et éditeur. Bien que sa carrière de décorateur fût très courte, de 1910 à 1918, elle lui suffit à exprimer son génie créatif et, conclut Cheska Vallois, à « ouvrir la porte au XXe siècle ».
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
3 clés pour comprendre le style Iribe
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°693 du 1 septembre 2016, avec le titre suivant : 3 clés pour comprendre le style Iribe