GRAND PARIS - Le théâtre n’est pas un long fleuve tranquille. Il offre au spectateur sa part de sensations fortes, parfois au prix d’un certain inconfort.
Deux pièces du Festival d’automne lui mèneront ainsi la vie dure, le clouant au fauteuil pendant 12 heures (2666 de Julien Gosselin) ou lui imposant le silence avant même le lever de rideau (Rêve et Folie de Claude Régy). Les auteurs n’ont apparemment rien en commun, ni leur âge – 64 ans séparent le jeune premier du grand dramaturge passé à l’avant-garde –, ni leur esthétique – le théâtre de Gosselin est aussi saturé que celui de Régy creuse le vide. On retrouve pourtant chez eux la même fascination pour une matière textuelle non dramaturgique (roman ou poésie) et l’exigence d’une forme génératrice d’expériences totales intégrant le son et la vidéo (chez Gosselin) ou la lumière (chez Régy). Après son adaptation des Particules élémentaires de Michel Houellebecq, Julien Gosselin a l’estomac de s’attaquer au roman posthume du Chilien Roberto Bolaño, décédé en 2003 à Barcelone. Une œuvre-monde – monstre ! – de mille pages, retranscrite sur le plateau au moyen d’une cage de verre modulable signée Hubert Colas. Une épopée endiablée, « jouissive », parfois « pénible », dixit son metteur en scène. Gourou d’un théâtre contemporain ayant parfaitement digéré l’héritage performatif, Julien Gosselin met au défi l’endurance de ses treize interprètes, et celle des spectateurs. Aucun répit ne nous sera accordé, acculés à la puissance (mélancolique) d’un texte à l’humeur digressive. À l’acharnement de 2666 succède l’énergie souterraine de Rêve et Folie de Claude Régy. Ce dernier reprend la prose de l’expressionniste allemand Georg Trakl, mort d’une overdose de cocaïne à 27 ans. Monologue émergeant de la pénombre qui raconte, en filigrane, la figure du poète maudit – comme 2666 celle de l’écrivain. Lenteur (le carburant de Régy) et clarté diffuse possèdent le corps du seul acteur en scène. Grâce aux leds, le plateau s’allume telle une installation de James Turrell, sans que l’on puisse discerner les sources de lumière. L’aube est crépusculaire. Les mots (hachés), les syllabes (détachées les unes des autres) ouvrent des territoires à l’intérieur du langage, incroyables champs poétiques. Y accéder relève de l’exploit d’attention. Avec la beauté de l’indicible – et non la distraction – en récompense. Réservez.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le Festival d’automne met le spectateur à l’épreuve
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €2666
de Julien Gosselin, d’après Roberto Bolaño,
du 10 septembre au 16 octobre 2016
au Théâtre de l’Odéon-Ateliers Berthier.
Rêve et Folie
de Georg Trakl, Claude Régy,
du 15 septembre au 21 octobre 2016,
au Centre dramatique national Nanterre-Amandiers.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°693 du 1 septembre 2016, avec le titre suivant : Le Festival d’automne met le spectateur à l’épreuve