La ressemblance entre les deux hommes est frappante : mêmes fronts dégarnis, mêmes regards graves… Si les deux artistes ne tenaient pas leur cigarette de la main opposée – de la droite pour Picasso, de la gauche pour Pollock –, leurs portraits photographiques seraient parfois superposables.
L’Espagnol n’a certes pas témoigné ce qu’il pensait de la peinture de l’Américain. En revanche, ce que représentait la peinture de Picasso pour Pollock, l’histoire le dit fort bien. À commencer par la visite de la rétrospective Picasso que Jackson Pollock effectue au MoMA en 1939, où il découvre Guernica. La composition, la violence et les dimensions de l’œuvre lui causent un tel choc qu’il s’en souvient quatre ans plus tard, en 1943, lorsque la marchande et collectionneuse Peggy Guggenheim lui commande un grand décor pour son appartement à New York : Mural. La composition rythmique (sans motif privilégié) et le format de ce tableau marquent un point de bascule dans l’œuvre de Pollock vers le all over et le dripping, comme, plus largement, dans la peinture américaine vers l’expressionnisme abstrait. La peinture ne sera plus la même après cela, comme elle ne l’était déjà plus depuis Guernica… La présentation cet été de Mural au Musée Picasso de Malaga, après Venise et Berlin, constitue donc un événement : par la rencontre des deux géants d’abord – Pollock chez le maître et rival Picasso –, et par le voyage exceptionnel d’une toile aux dimensions hors normes (242,9 x 603,9 cm) ensuite. Car c’est la première fois, et peut-être la dernière, que Mural, fraîchement restauré par le Getty Institute de Los Angeles, voyage en Europe. Pour l’occasion, l’exposition présente une quarantaine de pièces, peintures et photographies, qui replacent l’œuvre dans son contexte : l’influence de Picasso, on l’a dit, mais aussi des muralistes mexicains et de l’exposition « Action Photography » en 1943 (les traces lumineuses d’un geste dans l’espace ou la répétition de la silhouette d’Hitchcock dans les clichés de Gjon Mili) sur Pollock. La deuxième partie de l’accrochage tisse des liens avec d’autres artistes : Matta, Gottlieb, Saura, David Smith, Uslé, Warhol… Six formats monumentaux, dont Elegy to the Spanish Republic de Motherwell (1965-1975) et le splendide Another Storm de Lee Krasner (1963), témoignent de l’impact qu’a eu Mural sur l’art américain, sans toutefois parvenir à détrôner la véritable star de cet été à Malaga : Mural.
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Pollock fait le mur chez Picasso
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Abonnez-vous dès 1 €Musée Picasso, Palacio de Buenavista, Malaga (Espagne), www.museopicassomalaga.org
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°692 du 1 juillet 2016, avec le titre suivant : Pollock fait le mur chez Picasso