Les revenants de Saint-Denis

Par Céline Piettre · L'ŒIL

Le 18 avril 2016 - 335 mots

CMN - Le silence règne dans la basilique de Saint-Denis, à quelques stations de métro de Paris. Des danseurs couchés au sol concurrencent les gisants de pierre des sépultures royales toutes proches.

Un suaire masque leur visage. Prisonniers dans des chaussons au profil griffu, leurs pieds empruntent à la raideur de la sculpture funéraire des XIIe et XIIIe siècles – encore maladroite dans sa représentation du corps. Les conventions stylistiques de l’époque voulaient que ces voûtes plantaires abritent chiens ou lions, respectivement symboles de fidélité (pour les dames) et de puissance (pour ces messieurs). Les soixante-dix tombes de Saint-Denis en offrent des exemples éloquents. Et les danseurs réveillent, par ces pattes animales, leur lointain souvenir. Progressivement doués de souffle (qui est aussi l’Esprit saint dans la religion chrétienne), les voilà qui reviennent à la vie, fantômes anonymes prenant place aux côtés des rois, reines et serviteurs de la Couronne enterrés dans la basilique – de saint Louis à Henri II, pour ne citer que les plus illustres. Les intrus appartiennent à la compagnie Nathalie Pernette. La chorégraphe a été invitée par le Centre des monuments nationaux à ranimer – littéralement ici – le patrimoine sculpté, dans le cadre de l’opération « Monuments en mouvement ». Une initiative qui tente d’extirper le passé de son immobilisme. La danse fonctionne comme une métaphore. L’histoire aurait-elle encore un corps, des membres à activer ? Le patrimoine pourrait-il se nourrir du présent et fabriquer à nouveau du sens ? La proposition de Nathalie Pernette ne répond qu’en partie à nos attentes, en cela qu’elle peine à donner une véritable actualité à ces corps de pierre ressuscités. Mais ses « figures de gisants » réussissent néanmoins à renouveler, par un déplacement du regard, notre expérience de la sculpture funéraire. Ravivant par la même occasion et pour le plus grand bonheur des familles un imaginaire médiéval revenu à la mode : moines encapuchonnés, grotesques gargouilles et guerriers Jedi. Une alternative idéale à la Nuit des musées pour les agoraphobes de service.

Quoi ?
La Figure du gisant de Nathalie Pernette

Où ?
Basilique royale de Saint-Denis

Quand ?
Les 12 et 13 mai 2016, à 18 h et à 20 h

Comment ?
www.monuments-nationaux.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°690 du 1 mai 2016, avec le titre suivant : Les revenants de Saint-Denis

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