Toute exposition a sa propre histoire, ses coulisses que l’on ne raconte pas forcément. L’origine du propos tient ici une place importante que l’institution elle-même rappelle puisque née d’une initiative privée, celle d’un historien que rien ne prédisposait à solliciter un jour écrivains, créateurs et directeurs de musées ou de centres d’art.
L’histoire commence par la découverte par l’historien Pierre Schill dans les archives de Montpellier, lors d’une recherche sur les mineurs de l’Hérault, d’une vingtaine de photographies représentant quatorze corps pendus au gibet, non légendées et non signées. Ces images le marquent. Après enquête, elles se révèlent être celles de Gaston Chérau (1872-1937), écrivain, journaliste et chroniqueur pour Le Matin. Réalisées en 1911 en Tripolitaine, elles s’inscrivent dans un reportage plus général de plusieurs semaines sur la guerre de colonisation qui oppose alors le royaume d’Italie à l’Empire ottoman. Ses images, la lecture des articles de Chérau et de sa correspondance témoignent du renversement progressif du regard du reporter face à la colonisation et au conflit.
Pierre Schill aurait pu s’arrêter là. Son désir de donner une autre résonance à cette archive l’a engagé cependant à contacter les écrivains Jérôme Ferrari et Oliver Rohe (connus pour leur réflexion sur la représentation de la guerre) ainsi que le danseur chorégraphe Emmanuel Eggermont, et également des institutions. Du retour favorable d’Olivier Grasser Aiello, directeur du Frac Alsace, et de Nathalie Giraudeau, directrice du Centre photographique d’Île-de-France, est donc née l’exposition « À fendre le cœur le plus dur », qui est aussi le titre de l’ouvrage de Jérôme Ferrari et d’Oliver Rohe (éditions Inculte).
Le reportage de Gaston Chérau, sa publication et la correspondance du journaliste avec sa femme sont au cœur du dispositif. Autour d’eux s’articulent une dizaine de créations récentes sur l’interprétation et la représentation de la terreur, de l’horreur engendrées par les conflits. Des Suspendus ou Gisants, dernières œuvres d’Agnès Geoffray créées à partir du fonds Chérau, à l’installation de Kader Attia de prothèses de jambe de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, l’effroi fait entendre d’autres indignations, d’autres dénonciations, en prise malheureusement encore avec l’actualité.
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Un photographe et des artistes face à la terreur
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Légende photo
Gaston Chérau derrière un cadavre aux confins de l'oasis de Tripoli, fonds Chérau Collection privée.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°686 du 1 janvier 2016, avec le titre suivant : Un Photographe et des artistes face à la terreur