C’est dans ce vers de Lamartine, mais aussi dans la cafetière de Théophile Gautier, La Peau de chagrin de Balzac et les « décors truqués » de Philip K. Dick que Gilles Alvarez, directeur de la Biennale Némo, place les origines littéraires de « Prosopopées ».
Nommée d’après une figure de style consistant à faire parler choses et animaux d’ordinaire silencieux, l’exposition qu’il cosigne au CentQuatre avec José-Manuel Gonçalvès, le directeur du lieu, rassemble en effet un cortège d’objets dont les comportements suggèrent qu’ils pourraient être doués de vie, de sensibilité et, pourquoi pas, d’une sorte d’anima – une âme. Loin de la sophistication tapageuse de certains dispositifs numériques, la plupart des pièces présentées au CentQuatre évoquent le quotidien le plus prosaïque : c’est le canapé suspendu de Jacob Tonski en équilibre sur un pied (Balance From Within), le transat de Jérémie Gobé qui se déplie seul (A Day’s Pleasure), la perceuse de Michel de Broin d’où jaillit l’eau de toutes parts, comme si l’objet s’était troué lui-même au cours d’un raptus suicidaire. Prenant vie comme par magie, ces œuvres ne laissent rien deviner des technologies qui ont rendu possible leur mise en mouvement. Leur inquiétante étrangeté tient à ce qu’elles semblent au contraire s’animer sui generis et rompre radicalement avec leur fonction d’adjuvants et de prothèses. « Fiction d’un dérèglement savamment orchestré », de l’aveu de Gilles Alvarez, « Prosopopées » campe ainsi un monde de machines dysfonctionnelles à mille lieues de l’efficacité et de « l’intelligence » de notre environnement technologique – préfiguration à la fois drôle et menaçante d’une insurrection des objets.
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La révolte des machines
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°686 du 1 janvier 2016, avec le titre suivant : La révolte des machines