Le Musée d’art moderne et contemporain
de Strasbourg expose le travail récent
d’une artiste devenue (trop) rare en France.
Partagée en trois grands espaces, l’exposition strasbourgeoise de Valérie Favre déploie un ensemble d’opus, issus de séries achevées ou en cours, réalisées au fil de ces dernières années. Peintre absolument, l’artiste franco-suisse, installée à Berlin, développe un travail nourri de ses premières amours théâtrales et cinématographiques, comme en témoignent d’emblée ses Grands Théâtres. Sur fond de cimaises peintes en rouge cramoisi, cinq immenses triptyques, accrochés très bas, composent comme la parade d’une foule carnavalesque à l’image de la « folie du monde ». Bosch, Ensor et Dix y sont convoqués à l’instar de tout un monde de figures qui dansent la vie comme la mort. La matière est chargée, la touche rapide, la narration brouillée, aussi quelque chose d’une intense panique y semble à l’ordre d’un rituel innommable. Passé un rideau rouge, le regardeur est saisi d’un terrible aveuglement. Il se retrouve dans une immense salle toute blanche face au développé des quelque deux cents pages recopiées et illustrées de Thomas l’obscur, le célèbre ouvrage de Maurice Blanchot. Aligné sur deux rangs, le texte est interrompu ici et là par de petites peintures au motif volontiers récurrent de la noyade, des ponctuations libres et ouvertes, laissées à l’imaginaire du regardeur dans un rapport tout à la fois invasif et intime. Reste une troisième salle où Valérie Favre, optant pour une scénographie plongée dans la nuit – moquette noire et cimaises itou –, a rassemblé des œuvres issues de trois séries distinctes : celle intitulée Fragments, vision nocturne d’une voûte céleste percluse d’étoiles ; un ensemble de petites peintures intitulées Ghosts, qui fait suite à celle des Suicides, et dont le sujet réfère à L’Envol des sorcières emprunté à Goya ; enfin, tout un lot de dessins et de collages qui sont autant d’espaces fictifs s’offrant à voir comme de « petits théâtres de la vie ». L’exposition de Valérie Favre est au bord d’une sorte d’abîme existentiel à ce moment précis où la peinture tente de sublimer le monde.
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Valérie Favre, sublimer le monde
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 27 mars 2016. Musée d’Art moderne et contemporain, 1, place Hans-Jean-Arp, Strasbourg (67). Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h, fermé le lundi.
Tarifs : 7 et 3,5 €.
Commissaires : Joëlle Pijaudier-Cabot et Estelle Pietrzyk.
www.musees.strasbourg.eu
Légende photo
Valérie Favre, Crystal Palace, 2015 (avant dernier état), triptyque, huile sur toile, 170 x 390cm, Courtesy Galerie Peter Kilchmann, Zurich.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°686 du 1 janvier 2016, avec le titre suivant : Valérie Favre, sublimer le monde