Rivesaltes Sans doute est-ce vu d’avion que le bâtiment est le plus intriguant, tant il ressemble à un édifice que des archéologues auraient mis au jour il y a peu.
Tout autour, des remblais de gravier inclinés à 45°, comme si les pelles venaient d’interrompre leurs fouilles. Au centre, une construction oblongue entièrement à découvert.
On pense à un hypogée, ces tombes souterraines bâties durant l’Ancien Empire, en Égypte. Sauf que nous ne sommes nullement dans la vallée des Rois, à Louxor, mais dans la région Languedoc-Roussillon, à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales). Il s’agit du nouveau musée-mémorial du camp de Rivesaltes, imaginé par l’architecte Rudy Ricciotti. Une fois à terre, la vision est analogue. Dès l’entrée du camp, le visiteur se retrouve face à un parallélépipède minimaliste semblant surgir du sol. Un mégalithe, dixit l’architecte, de 240 m de longueur, à la fois enfoui et révélé. L’effet est impressionnant. Ledit volume affleure d’abord le sol naturel, puis, au fur et à mesure qu’il s’étire vers l’est, s’élève jusqu’à l’extrémité de ce qui fut l’ancienne place d’appel ou « îlot F », sans jamais dépasser une hauteur égale à celle du faîtage des baraquements en ruine alentour. « Le Mémorial est silencieux et pesant, explique Rudy Ricciotti : il repose dans la terre avec une détermination calme, monolithe de béton ocre, intouchable, incliné vers le ciel. » L’accès au bâtiment s’effectue de manière détournée.
À l’instar de l’hypogée, on y entre en empruntant une rampe en pente douce qui plonge dans les entrailles du terrain, puis devient tunnel pour mener jusqu’à un hall d’entrée habillé de bois sombre. Point de pharaon au sein de cette « sépulture », mais un musée de 4 000 m2 consacré à l’histoire de ce camp jadis militaire, devenu, par les aléas de l’histoire, lieu d’hébergement, puis d’internement et d’exclusion. L’intérieur est quasi opaque. Aucune vue sur l’extérieur, sinon vers les cieux par l’intermédiaire de trois patios structurant les salles pédagogiques, l’espace restauration et les bureaux. Dans les patios au sol en cayrou (brique catalane typique), souffle par moments l’inéluctable tramontane, sèche et froide.
Pour accéder à l’exposition permanente, le visiteur doit parcourir une longue galerie à l’extrémité de laquelle se déploie une vaste salle hypostyle. « L’ambiance est sourde et solennelle », dit l’architecte. Une faible lumière rasante éclaire le sol et les parois de béton brut. Le dispositif scénographique, lui, est sobre et fluide, telles ces images projetées à même les murs. « Comprimé entre ciel et terre, entre passé et mémoire, le Mémorial de Rivesaltes se situe très exactement dans le présent et la vie, estime Ricciotti, lyrique. Sa violence formelle témoigne de l’impossibilité de l’oubli. »
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Le mégalithe de la mémoire
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Mémorial du camp de Rivesaltes, avenue Christian-Bourquin, Salses-le-Château (66), www.memorialcamprivesaltes.eu
à savoir
Conçus à l’origine comme une enceinte militaire, les 612 hectares du camp de Rivesaltes (ou camp Joffre) servirent tout à tour, à partir de 1939, de camp pour les réfugiés espagnols (guerre d’Espagne), de lieu d’internement en 1941 et 1942 (Seconde Guerre mondiale), puis de camp d’internement pour les prisonniers de guerre allemands et les collaborateurs et, enfin, de lieu d’hébergement des harkis (guerre d’Algérie)
Légende photo
Le Memorial du camp de Rivesaltes © M Hedelin - Region Languedoc-Roussillon
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°686 du 1 janvier 2016, avec le titre suivant : Le mégalithe de la mémoire