Bleu blanc rouge
L’Œil « pavoise » et met à sa « fenêtre » La Rue Saint-Denis, fête du 30 juin 1878 de Claude Monet, avec ses drapeaux brandis pour fêter la paix et le travail. Par le choix de ce tableau, nous nous associons aux hommages rendus par la Nation aux victimes des attentats, « tombés », comme on dit des soldats, puisque nous sommes en « guerre », pour avoir « défendu » leur culture, celle des verres en terrasse et des concerts. Ces attentats ont eu lieu dans une salle de concert, comme ils auraient pu se passer dans un théâtre, un cinéma ou dans un musée, institution devenue le gardien de l’histoire des cultures que ces barbares décervelés abhorrent. Doit-on rappeler ici la tuerie perpétrée en mars 2015 au Musée du Bardo (Tunisie), revendiquée par la même organisation criminelle que celle qui a commandité du 13 novembre à Paris ? C’est pourquoi les responsables des musées nationaux ont été convoqués par la ministre de la Culture dès le dimanche 15 novembre, afin de faire le point sur la sécurité. Sur notre sécurité comme sur celle des œuvres, qu’un rapport opportunément remis au président de la République au lendemain des attentats par Jean-Luc Martinez, président du Louvre, propose de mettre à l’abri en créant un « musée des saisies » destiné à conserver les œuvres pillées en Syrie et en Irak et interceptées, et dont le trafic finance en partie Daesh.
Mais le choix du tableau de Claude Monet entend aussi rappeler que le drapeau tricolore, seul emblème officiel de la France défini par l’article 2 de la Constitution, appartient à l’Histoire (celle des rois de France, de la Révolution française, des « culs blancs » et « bleus »… et, maintenant, de la France meurtrie) et également à l’histoire des arts par la symbolique des couleurs (le blanc royal, le bleu du deuil virginal, etc.) et par la multiplicité de ses représentations, de La Liberté guidant le peuple de Delacroix à National de Saâdane Afif, en passant par Victor Hugo et Raoul Dufy. La Rue Saint-Denis de Monet doit nous rappeler que la France pavoisée, loin d’être une invention du président Hollande, existe depuis longtemps, et que notre pays ne doit pas avoir peur de son emblème, ni l’abandonner au seul parti d’extrême droite. On ne peut que déplorer, avec Michel Pastoureau, notre « inculture nationale », laquelle, paradoxalement, « constitue une menace pour la démocratie […]. Un minimum de savoir emblématique partagé devrait être le garant d’une certaine cohésion nationale » (Les Emblèmes de la France, éditions Bonneton, 1997). Si la garde du roi n’avait, dit-on, pas foulé aux pieds la cocarde tricolore apparue en juillet 1789, le peuple de Paris aurait-il pris la direction de Versailles en octobre suivant pour amener la famille royale aux Tuileries, avant que le drapeau des patriotes ne devienne les – fragiles – couleurs de la nation le 10 juin 1790 ? Chacun est libre de penser que « le drapeau français n’est pas particulièrement beau » (Michel Pastoureau), de mettre en doute la légende selon laquelle le projet de pavillon national aurait été dessiné par le peintre Jacques Louis David, mais faut-il pour autant souscrire à la formule de Stefan Zweig : « Quand les drapeaux sont déployés, toute l’intelligence est dans les trompettes » ? Ou, au contraire, dire avec Flaubert : « Drapeau national – Sa vue fait battre le cœur. » Voire, comme au moment de défendre la République modérée en 1848 : « Le drapeau rouge […] n’a jamais fait que le tour du Champ-de-Mars, tandis que le drapeau tricolore a fait le tour du monde, avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie. » Après le 13 novembre 2015, ces mots de Lamartine résonnent toujours…
Aux arts, citoyens !
Quand soutenir les artistes devient de plus en plus un acte militant, il faut saluer l’engagement des communes qui défendent l’art. Ainsi la ville de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) soutient-elle depuis plusieurs années l’art de l’estampe à travers une Biennale méritante (jusqu’au 24 janvier 2016). Celle-ci remet même à chaque édition un « prix spécial du maire », au milieu d’autres prix décernés par un jury composé de professionnels de l’estampe et d’élus, dont l’actuel premier édile Sylvain Berrios (LR). Cela peut prêter à sourire… mais ne devrait pourtant pas. Nous devrions au contraire compter autant de prix, pour la photographie, la peinture, la sculpture, l’installation – oui, l’installation ! –, le court métrage, la composition, etc., qu’il y a de maires en France, soit plus de 36 000. En 2015, ce prix a été décerné à Pablo Flaiszman, aquafortiste franco-argentin né en 1970. Mais il aurait pu aussi bien être remis à un artiste belge, suisse, danois et, même, péruvien, les artistes venant de loin pour présenter leurs travaux à Saint-Maur et, pourquoi pas, remporter le « prix du maire ». C’est pourquoi je formule un vœu : Mesdames et Messieurs les élus, citoyens… aux arts !
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Aux arts, citoyens !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°686 du 1 janvier 2016, avec le titre suivant : Aux arts, citoyens !